L
e professeur Albert Angus a créé un procédé révolutionnaire qui permet d'explorer les rêves de ses patients. Enfin les rêves, plutôt les cauchemars. Depuis trois ans maintenant, son fils Tristan et Esteban, un camarade de classe, orphelin et amnésique, qui vit avec eux, s'entraînent au sein du laboratoire paternel sous la surveillance d'Élisa la précieuse assistante. Ensemble ils forment la Brigade des Cauchemars et viennent en aide aux enfants tétanisés par leurs songes. Après avoir aidé Sarah, que le destin n'épargne décidément pas, les amis vont s'occuper de Nicolas et de son mauvais rêve récurrent. Mais rien ne se passe comme prévu et la bande va devoir s'employer pour réussir sa mission et en découvrir un peu plus sur l'étrange invention du professeur.
Après avoir adapté l'un de ses livres, Puzzle, avec Mig chez Ankama, le romancier revient à la bande dessinée avec une création originale. Sarah, le premier tome paru en 2017, avait posé les bases d'une histoire fantastique, prenante et bien construite, ancrée dans le monde contemporain. Accompagné de Yomgui Dumont et Drac, respectivement au dessin et à la colorisation, il livre avec Nicolas le second acte de cette série de la collection Jungle Frissons. Chaque titre est une histoire complète et enrichit l'intrigue principale, les origines d'Esteban et les circonstances de la disparition d'Alice, l'épouse d'Albert et maman de Tristan.
Suite directe de l'opus initial, cet album étoffe le contexte et assoit le style, tant graphique que narratif. Le trait lâché et vif du dessinateur, dans la lignée des Sfar-Blain, sied parfaitement à l'histoire angoissante, tandis que les couleurs, notamment lors des missions dans les esprits endormis, soulignent les ambiances mystérieuses et inquiétantes. S'il reste dans un genre qui a fait son succès, Franck Thilliez adapte néanmoins son écriture au public visé et prouve qu'il a su s'approprier les codes du médium. Moins sombres et moins torturés que dans ses romans (La forêt des ombres, L'anneau de Moebius), ses personnages n'en sont pas moins fouillés et attachants. Une psychologie travaillée, qu'elle repose sur leurs fêlures, leurs traumatismes ou leur passé, leur sert de moteur. Chacun possède une raison légitime d'adhérer au projet du professeur, mais aussi ses propres doutes et peurs. Leurs liens et leur complicité se retrouvent renforcés par les expériences qu'ils mènent en secret. Le choix de héros adolescents (tous les membres de la petite bande ont quatorze ans), permet au scénariste l'ajout des thèmes inhérents à cette période de l'existence - l'éveil à l'amour, la remise en question des adultes, la quête d'identité, etc. - comme des éléments plus actuels avec les téléphones portables et l'informatique.
Le côté angoissant est matérialisé par les décors des rêves et par le rôle d'un des patients mais surtout son apparence. Là encore, la prestation de Yomgui Dumont remplit son office. Le faciès déformé et le sourire carnassier de ce malade comme les paysages lugubres ou en ruines, sont autant d'éléments qui participent à l'ambiance légèrement flippante des expéditions. Les expressions des personnages, souvent marquées, appuient la surprise ou la panique qui s'emparent d'eux lors des nombreux rebondissements. Avec cette nouvelle mission, en plus d'élargir l'équipe, c'est également l'occasion d'en apprendre plus sur la disparition d'Alice Angus et de suivre l'avancée de la réflexion d'Esteban. Où est-elle et comment la récupérer ? D'où vient-il et pourquoi n'a-t-il aucun souvenir de sa vie avant son adoption ? Les questions sont nombreuses et les réponses se dessinent plus ou moins clairement, jusqu'à l'ultime révélation qui laisse avec une envie folle d'en savoir plus.
Grâce à ce deuxième tome maîtrisé et au rythme efficace, La Brigade des Cauchemars continue de convaincre et accroche définitivement le lecteur. Les débuts d'une série qui pourrait ne pas faire frissonner seulement les adolescents.
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