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ne nuit de novembre 1941, deux silhouettes font le mur et se faufilent dans les rues de Saint-Denis, direction : le club secret de poésie, le Nouveau Parnasse bourbonnais. Constitué d'élèves du prestigieux lycée Leconte-de-Lisle, ce groupe est sur le point d'introniser un onzième membre, Lucien Turpin. Fils de créole, il est arrivé trois mois plus tôt à la Réunion après avoir vécu en Tunisie avec son père, mort pour la patrie, soi-disant. Avec une baïonnette de l'Afrikakorps comme emblème et un talent certain pour dessiner, le rouquin ne peut que s'attirer l'admiration de ses camarades, en particulier celle de Charles. En effet, ces garçons se sont rapidement trouvé des points communs, entre leur inclinaison pour l'histoire, leur rébellion contre le système colonial impérieux et leur volonté de changer le monde, ce monde qui gronde non loin.
Sur les mêmes bancs au collège, les auteurs, pour cette première association, prennent un cadre qu'ils connaissent bien quisque c'est celui de leur enfance. Apollo (Commando colonial, Biotope) livre une histoire d'amitié sincère sur fond de Deuxième Guerre mondiale. Dense et captivant, le scénario offre, grâce au cadre choisi, un point de vue relativement dépaysant et instructif. De nombreux sujets sérieux sont abordés, entre le décalage entre les classes et le racisme, le melting-pot ethnique et les tensions entre les partis de tous bords. Les jeunes gens s'ennuient, étudient, parlent politique comme des adultes engagés mais rêvent aussi de voyages, fomentent des révolutions, connaissent leurs premiers émois et jouent aux héros de l'ombre. Le lecteur voit ainsi cette complicité se construire malgré les tensions à l'intérieur et à l'extérieur ; ils n'en oublient d'ailleurs pas pour autant de vivre leur adolescence, avec son lot de joies, de tourments, de railleries et d'erreurs.
Avec un style moins caricatural que dans ses ouvrages de la Bande à Tchô !, Téhem conforte le côté aventure de cette chronique de jeunesse et propose des faciès bien différenciés, ainsi que les vues exotiques du DOM-ROM, qui n'est pas - que - paradisiaque. Chaque chapitre bénéficie d'une ambiance monochrome différente, initiative qui permet de démarquer la succession des périodes de manière originale.
Le bel âge dans toute sa passion, son idéalisme et ses désillusions : Les chroniques du léopard présente une tranche de vie à la fois romanesque et réaliste, inscrite dans une époque et un pays troublés.
Les chroniques du léopard racontent la destinée de Charles et Lucien, deux jeunes créoles beaux et amoureux, sur l'île de la Réunion en pleine Seconde guerre mondiale.
C'est une tranche de vie assez intéressante pour mesurer le climat politique de l'époque entre la colonisation et les collaborateurs restés fidèle au maréchal Pétain. Pour autant, l'île Maurice qui est anglaise n'est pas très loin et une reconquête se prépare.
Le cadre sera celui du Lycée Leconte-de-Lisle de Saint-Denis de la Réunion, un beau bâtiment dont nous pourrons voir une photo en fin d’album. A noter que les élèves étaient tous dans un uniforme blanc.
On va y croiser les frères Vergès dont l'un sera un célèbre avocat du barreau pour avoir défendu le terroriste Carlos ou encore le nazi Klaus Barbie. On y verra également, mais pas sous un bon rôle, le jeune Raymond Barre qui deviendra premier ministre sous Valéry Giscard d'Estaing.
J'ai bien aimé ce récit qui nous offre une vision assez rare de l’île de la Réunion, loin de la carte postale que nous connaissons. A noter que le dessin assez fluide et expressif m'a permis tout de suite une totale immersion.
Au final, une fiction dense, dynamique et captivante qui ne s’affranchit jamais des contraintes de la fidélité historique et se risque à maintes reprises sur les sentiers de l’humour et de la fantaisie.
Très belle lecture !
Dessin, scénario tout est fluide pour un bon moment de BD...
Je conseille vivement