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La guerre des autres 1. La guerre des autres

10/09/2018 4810 visiteurs 6.0/10 (1 note)

J uin 1974, Beyrouth se révèle une oasis de douceur, du moins pour les Naggar, une famille d’Égyptiens. Ils boivent, vont à la plage et au cinéma, rigolent, batifolent, fument des pétards, écrivent un livre sur la beauté du Liban et réussissent même à se procurer L’écho des savanes. Après tout, ce n’est pas comme en Égypte ou en Palestine, là où les tensions politico-religieuses se montrent vives. Et pourtant. Mettez dans un minuscule pays des Sunnites, des Chiites, des Druzes, des Maronites, des Catholiques et des Arméniens, puis rajoutez des réfugiés palestiniens : vous avez un cocktail explosif.

Le récit, signé Bernard Boulad, raconte la fin d’une époque, voire celle d’une civilisation. Les indices sont tous là, mais les gens n’y croient pas… ou ne veulent pas y croire. Après tout, comme l’indique le titre, c’est la guerre des autres. La quasi-totalité des scènes les présentent heureux et insouciants. L’auteur glisse cependant des signes discordants : l’homosexualité est taboue, les voisins de dénoncent entre eux, chaque parti politique a sa milice, etc. Pour rendre compte de la complexité des événements, il a la chance de bénéficier de beaucoup d’espace ; en près de 200 pages, le lecteur s’imprègne de l’esprit du lieu, il palpe la banalité du quotidien et comprend l’humeur des personnages confortablement installés dans la Suisse de l’Orient. Cela dit, le bédéphile devine que le scénariste se sent à l’étroit lorsque des éléments de contexte sont livrés au travers des dialogues un peu lourds. Le dernier tiers de l’album est davantage brutal, comme l’est l'éveil des protagonistes.

Bien qu’il soit réalisé à quatre mains, par Gaël Henry et Paul Bona, le dessin demeure uniforme. Il faut dire que les artistes ont fait les choses avec méthode ; après s’être partagé les crayonnés, le premier a encré les planches et le second les a colorisées. Sur un trait sommaire sont posées des couleurs en aplat, notamment des noirs, lesquelles donnent beaucoup de relief aux illustrations. Ces dernières captent bien l’air du temps, tant celui d’une terrasse tranquille que celui d’un bus pris pour cible par des terroristes.

Une sympathique chronique familiale sur fond de conflit annoncé.

Par J. Milette
Moyenne des chroniqueurs
6.0

Informations sur l'album

La guerre des autres
1. La guerre des autres

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    Erik67 Le 02/09/2020 à 18:52:11

    On surnomme ce pays la Suisse du Moyen-Orient parce que de 1950 à 1970, le Liban a connu une belle prospérité économique. Aujourd'hui, ce pays est surtout connu pour cacher à la justice un milliardaire tyrannique, ex-magnat de l'automobile, ayant bien profité avec l'argent. Cependant, ce qui nous intéresse ici, c'est de savoir comment ce petit état connu pour sa douceur de vivre a sombré dans une terrible guerre en 1975.

    Il est clair que la guerre entraîne beaucoup de destructions et de morts ainsi qu'une fuite de population et de compétences et surtout une grave dépression économique. Le Liban n'était plus qu'un champ de ruines à la fin de cette guerre qui a duré 15 ans. Si c'était vraiment la Suisse du Moyen-Orient, il eu fallu sans doute proclamer une neutralité absolue pour ne pas tomber dans la guerre des autres. La responsabilité des politiques ne fait aucun doute.

    On va suivre le quotidien d'une famille d'Egyptiens originaires de Syrie imprégné par la culture occidentale ce qui n'est pas à mes yeux une faiblesse. Il est vrai que cela va devenir de plus en plus compliqué pour eux. Il n'y a rien de pire pour un pays que la guerre qui détruit tout : les relations avec les voisins, la famille, le deuil, la ruine...

    La guerre des autres est inspiré de faits réels comme le prouve le documentaire en fin d'ouvrage.

    C'est un témoignage assez intéressant et surtout un exemple à ne pas suivre sans vouloir donner de leçon mais exprimer tout de même sa conviction profonde.

    Shaddam4 Le 02/10/2018 à 14:39:23

    L'ouvrage est introduit par une page synthétique sur les événements qui ont amené à la guerre du Liban. Très bien expliquée, elle aide à s’immerger dans les événements de contextes entourant cet album. L'ouvrage lui-même est découpé en deux parties (avant le déclenchement de la guerre et les conséquences du début des hostilités). En fin d'album l'auteur détaille le côté autobiographique, accompagné par des photos personnelles et enfin d'une chronologie de l'histoire du Liban. Je suggère de lire cette post-face avant l'album, je pense que cela aide à appréhender la BD.

    En 1974 la famille Boulad, chrétiens d'Egypte émigrés au Liban, mène une vie paisible à Beyrouth, entre la librairie du père et le théâtre de la mère. Cette douce vie voit pourtant la montée des tensions confessionnelles dans un pays qui n'est pas le leur. Quand un an plus tard la poudrière s’enflamme, leur vie bascule.

    J'avais beaucoup aimé le précédent album de Gaël Henry, Jacques Damour, où j'avais noté sa maîtrise du découpage, du mouvement et de l'expressivité, à la manière d'un Blain. Le style de l'auteur va vers des encrages forts sur des dessins au trait léger, parfois gribouillés, bref, rapides. C'est un genre graphique... et l'on décèle sur les cases un peu techniques (bâtiments, perspectives, véhicules,...) que le dessinateur sait produire des planches précises. Néanmoins, si sur Jacques Damour la colorisation et la dynamique générale m'avaient fait oublié des dessins parfois approximatifs, sur La guerre des autres j'ai été déçu par des couleurs que j'ai trouvé ternes et un scénario posé qui jour sur les ambiances plus que sur le mouvement, ce qui n'est pas forcément le point fort de Gaël Henry. Ce style graphique est vraiment étrange car il peut produire avec le même type de traits parfois vraiment minimalistes, de magnifiques séquences comme sur Une Sœur de Vivès ou d'autres mal finies... Difficile équilibre.

    L'histoire m'avait attiré car elle portait sur une histoire récente, politique, d'une région du monde hautement complexe. Le Moyen-Orient, la Palestine, la cohabitation des communautés. Sujets passionnants. Le traitement choisi est autobiographique, la jeunesse du scénariste, une tranche de vie, des atmosphères, celles des années 70 dans un Moyen-Orient moderne, entre Occident et Orient, avant les guerres généralisées, avant l'islamisme, une époque où les Non-alignés créaient des espaces de liberté qui nous semblent bien loin quand on pense aux pays méditerranéens. On a un petit côté Tran Anh Hung dans ces ambiances lascives, oisives, où la question financière semble vaguement secondaire. La sœur tombe amoureuse de tout ce qui bouge en tentant de bosser son bac, le grand frère redoute le service militaire et la mère tente de reprendre son indépendance... Cette histoire familiale est indéniablement intéressante et les textes nous entraînent avec en toile de fonds le contexte politique, les réfugiés de OLP qui créent des tensions avec les milices chrétiennes dans un pays organisé confessionnellement. En tant qu'autobiographie, la ligne scénaristique est contrainte et comme l'on reste globalement à l'intérieur de cette famille de ses murs, l'aspect historique reste assez secondaire, l'album se raccrochant plutôt à une certaine mode nostalgique dans pas mal de récits, comme sur les Beaux étés de Zidrou par exemple. Ce côté n'est pas ce qui me passionne le plus et j'aurais aimé voir le côté "incidence de la grande Histoire sur la petite histoire" plus présent.

    Pour peu que l'on aime le style graphique et ces ambiances rétro à base de libération sexuelle, de rouflaquettes et de chemises à fleurs, La guerre des autres vous fera passer un beau moment au bord de la Méditerranée.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/09/26/la-guerre-des-autres