«Into the mercy seat I climb
My head is shaved, my head is wired
And like a moth that tries
To enter the bright eye
So I go shuffling out of life
Just to hide in death awhile
And anyway I never lied.»
Malgré les courants, les écoles et les groupes, le monde des arts est principalement composé d’individualités fortes. En gros, les créateurs ruminent dans leur coin avant de présenter le fruit de leurs réflexions, avec succès ou pas. Et puis, très rarement, quelques têtes ressortent du lot et mènent des carrières en dehors de tous les sentiers battus. Poètes maudits, avant-gardistes trop en avance ou artisans reclus dont l’importance peine à se faire remarquer, Nick Cave fait partie de ceux-là. De la lointaine Australie au Londres post-punk du début des années quatre-vingt en passant par le Berlin d’avant la chute du Mur et un séjour prolongé au Brésil pour se réchauffer, il n’a cessé d’écrire, de jouer et de chercher une voie. Il est aujourd’hui une star incontestée tant par un public fidèle et quasi-fanatique que par la critique.
Spécialiste des biopics de longue haleine, Reinhard Kleist s’attaque à Cave pour son nouveau projet. Après Johnny Cash dont l’Australien se revendique, la continuité est d’ailleurs des plus logiques. À chanteur de haute intensité, une narration aiguisée s'est avérée indispensable. Même si la chronologie est globalement respectée, le scénariste a été obligé d’aller creuser plus profondément pour cerner son sujet. Des chansons s’invitent dans le flot des images, des scènes sont rejouées et décortiquées sous différents points-de-vue, des démons intérieurs apparaissent pour confronter les protagonistes et même le mythique Robert Johnson (bluesman ayant vendu son âme au diable en échange d’un bon riff selon la légende) est de la partie.
Âpre, tendu et sans pitié, l’album réussi la double gageure de raconter l’homme et sa trajectoire ainsi que de montrer avec une acuité impressionnante les racines de sa démarche. Nick Cave est un perfectionnisme qui ne se contente jamais du travail accompli. Il doit toujours avoir un moyen de faire mieux, de pousser les choses un cran au-dessus. Alors, il doute, s’égare, s’isole et n’offre guère de répit aux autres et à lui-même. Difficile de trouver l’harmonie quand chaque réalisation est vue comme un échec. Le trait sombre et précis de l’auteur du Boxeur associé à un découpage qui ose forcer les codes à l'extrême (sans les briser) se déroule logiquement et très clairement en dépit des continuelles errances volontaires aux frontières du Bien et de la folie.
Ouvrage à la hauteur d’un virtuose, Nick Cave Mercy on me se lit fiévreusement d’une traite à travers la nuit. Attention aux effets secondaires.
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