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epuis le Moyen-Âge, les animaux et les gens ont appris à se parler, sans pour cela se comprendre. De fortes tensions interespèces persistent alors que les uns regardent les autres de haut. Certains, comme Horace Beckett, un pigeon milliardaire, se montrent prêts à tout pour obtenir la reconnaissance des élites, par exemple à manigancer, voire à tuer, pour décrocher un Nobel. En fait, l’oiseau souhaite mettre la main sur les prix d'économie, de physique… et de la paix. Alors que le tissu social est fragile, Jack Wolfgang, loup et agent de la CIA, intervient sous le regard narquois de ses confrères hominidés, lesquels ont du mal à croire qu’une bête puisse faire mieux qu’eux.
Le projet de Stephen Desberg fait de toute évidence écho au XXIe siècle où les civilisations se croisent et se heurtent parfois. Bien qu’elles cohabitent, les différents mammifères et volatiles arrivent mal à s’apprécier et les relations sont empreintes de préjugés. L’intrigue est intéressante et menée à un rythme endiablé. L’action se déplace de Rome à Shanghaï et de Washington à Stockholm, il y a des poursuites, des bagarres et des avions en perdition. Bref, il est bien difficile de s’ennuyer. Le recours aux figures bestiales permet de distiller l’humour, notamment en opposant un volatile, qui n’a pas vraiment la gueule (ou le bec) d’un despote sanguinaire, à un canidé végétarien. Cela dit, la critique politique vue à travers la faune n’est pas nouvelle. Le lecteur pense aux fables d’Ésope ou à celles de Jean de Lafontaine. Il se souvient également de La ferme des animaux de Georges Orwell et, cela va de soi, à Maus de Art Spiegelman.
Aux pinceaux, Henri Reculé relève le défi de rendre crédibles des personnages aux attitudes aussi animales qu’humaines. La multiplication des vignettes et des formats, tout comme celle des angles et des plans, sans oublier la construction des planches, assurent le dynamisme de l’entreprise. L’artiste n’atteint toutefois pas le niveau de Juanjo Guarnido ; Blacksad demeurant la référence dans l’univers de la bande dessinée animalière. Le coup de crayon de l'artiste, vif et joyeusement mis en couleur par Kattrin, rappelle davantage le dessin animé.
Son nom est Wolfgang, Jack Wolfgang. Il ne mange pas de viande, mais il n’en est pas moins un prédateur redoutable et les vilains ont raison de trembler.
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