L
orsque Chicowen, sa bien-aimée, lui demande d'aller acheter du pain (elfique), Santiagolf ne se doute pas qu'il lui faudra traverser autant de dangers et qu'il va vivre la plus belle des aventures... Ou la plus pourrie. Ou la plus drôle. Ou la plus... Bref, pour la Bretagne et le Morbihan, en avant !
Après Al Pacino et Scarface avec The world is yaourt en 2006 ou Santiago et le western en 2016, B-Gnet s'attaque, avec Santiagolf du Morbihan, à l'héroïc-fantasy. Sous couvert d'une quête épique - pour du pain - et quelque peu sanglante, l'auteur se livre à un véritable passage en revue des classiques du genre, Tolkien et ses romans en tête. Le lyonnais est clairement inspiré et ses clins d'œil comme ses coups de griffe ne se limitent pas au père du Seigneur des anneaux. Il tourne en dérision l'essentiel des clichés sur les bretons et normands (les festivals, le beurre salé, les crêpes, l'antagonisme à propos du Mont Saint-Michel etc.) et détourne également bon nombre de travers de la société d'aujourd'hui. De la réélection d'hommes politiques hués quelques semaines auparavant, à la flambée de l'immobilier en province lorsque les parisiens y débarquent en masse en passant par les communautés « participatives » ou les querelles de féminisation des métiers, il ne s'interdit rien.
Le ton est mordant, le graphisme, aussi bien dans le trait que la mise en scène, efficace et surtout le rythme est idéal. Totalement déjanté, son récit n'offre que peu de temps morts. Son savoir-faire en matière de gags courts lui permet d'enchaîner les séquences avec fluidité. Bourré de bonnes idées - comme le dragon banquier et les changements de couleurs du magicien Goudalfe - et se basant allégrement sur le comique de répétition, l'album se dévore d'une traite. Et si l'humour omniprésent ne parlera pas à tout le monde, il reste bienveillant et évite la vulgarité.
Décalé, par moments jubilatoire, Santiagolf du Morbihan est surtout une réussite dans la plus pure tradition des parodies. Un excellent moment de détente, qui trouvera sa place sans difficulté dans les lectures estivales et confirme le style d'un auteur de talent.
Dans la droite lignée de Sacré Graal, B-gnet parodie avec bonheur et jubilation les grands mythes d'heroic fantasy cetisante, Le Seigneur des anneaux en tête. L'album, fourmillant de trouvailles absurdes, de running gags et de références, est une pépite d'humour.