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rance, 1916, la guerre fait rage. Les Lulus, un quintette d’orphelins, sont convaincus qu’ils doivent trouver refuge où il n’y a pas de conflit. Ils montent donc clandestinement dans un train en partance pour la Suisse… et se retrouvent à Berlin. D’abord décontenancés, ils joignent un groupe de gamins vivant de petits larcins et de mendicité. Ils sont cependant rapidement repérés par les gendarmes et par la bande des Artilleurs, dont les membres sont plus âgés, plus aguerris et de mèche avec les forces policières.
Ce récit, signé Régis Hautière, s’inscrit entre deux albums de la série mère, à savoir Le tas de brique-1916 et La déchirure-1917. L'intrigue, un peu mince, a la forme d'une suite de péripéties, essentiellement des poursuites dans les rues de la capitale allemande. Les comparses demeurent éminemment sympathiques, naïfs et débrouillards. Comme dans les films de Charlie Chaplin, les malaimés s’en tirent toujours et font tourner en bourrique leurs bourreaux, à la grande joie des jeunes bédéphiles auxquels ce livre est destiné. Un reproche : l’écrivain se montre parfois bavard et ses bulles écrasent alors les illustrations.
Alors que la série originale (laquelle compte cinq tomes, un par année entre 1914 et 1919) est dessinée par Hardoc, cette aventure parallèle est confiée à Damien Cuvillier, dont le coup de pinceau se marie très bien à celui de l’illustrateur principal. L’artiste propose un travail dynamique et tout en rondeurs. Ses personnages se révèlent particulièrement expressifs et les décors soignés ; il est d’ailleurs important de prendre le temps de détailler les cases pour découvrir les humeurs d’un lapin qui s’enfuie à la nage ou l’évocation d’une publicité d’époque. Le lecteur sourira également lorsqu’il verra le regard du policier qui se casse les dents sur les pavés ou celle d’un dur lorsqu'une fillette, qui ne s’en laisse imposer par personne, lui tord le doigt.
Des rebondissements, une gentille ode à la camaraderie et une histoire qui sent bon la nostalgie, voilà qui plaira aux enfants, et probablement à leurs parents.
Amiens. Octobre 1936.
Luigi est attablé dans un petit troquet. Face à lui, un homme qui recherche toute personne ayant vécu en Allemagne durant la Grande Guerre pour recueillir des témoignages de ce qu’était la vie là-bas…
Rappelez-vous, nos quatre Lulus plus une, espérant se rendre en Suisse, se sont trompés de train. Celui-ci est arrivé à destination. Berne ? Zürich ? Neufchâtel ? … Genève, peut-être ? … Hm… Non ! Berlin ! … Berlin ? Mais ce n’est pas en Suisse, ça ! … C’est bien là tout le problème…
Critique :
Changement dans l’équipe. Régis Hautière est toujours au scénario, mais au dessin, c’est maintenant le jeune et talentueux Damien Cuvillier et David François à la couleur. Cela en décevra certains, d’autres n’y prêteront pas trop attention puisqu’on entre dans une autre perspective, celle de Luigi.
Changement d’époque aussi. 1936… Mais c’est pour mieux revenir vingt ans plus tôt en 1916. Nous allons enfin découvrir ce qu’il est arrivé aux Lulus en Allemagne… Mais comme je ne suis pas corruptible, vu que vous ne me payez pas assez cher, je ne vous en dirai pas un mot.
Bon, allez, pour cesser de voir la demoiselle en beige arrêter de sangloter, je vais vous confier quelques éléments. Ils vont rencontrer des orphelins allemands dont un qui déteste particulièrement les Français, vu que son père a été tué au combat dans ce maudit pays (c’est son point de vue, pas le mien, inutile de sortir vos fusils de chasse). Les Lulus vont découvrir qu’à Berlin beaucoup de gens ont faim à cause du blocus naval qui empêche de ravitailler le pays avec des denrées produites ailleurs.
Je n’en dirai pas plus, même si vous torturez ma petite sœur !
Nous sommes en 1936 et Luigi nous raconte le « chaînon manquant » de l’année 1916 où les lulus ont pris le train pour Berlin croyant prendre celui qui allait en Suisse.
Bien qu’Hardoc ne soit pas aux dessins, Damien Cuvillier nous en offre de magnifiques avec un scénario de Régis Hautière toujours aussi prenant.
Après la (mauvaise) surprise passée à la descente du train, les lulus vont rejoindre un groupe d’orphelins allemand, en se faisant passer pour des Suisses, et les aider dans leurs rapines de survie. Très vite, des liens très forts vont se nouer entre certains d’entre eux mais, avec la guerre comme épée de Damoclès, pour un des petits allemands de la bande cette union est contre nature car celui-ci a perdu son père sur le front.
L’album est très rythmé partageant les moments légers et les instants tristes et sérieux. Cette « Perspective Luigi » continue dans le ton de la série et c’est… génial !