F
in des années 1990, Les sales petits contes proposent une relecture des fables traditionnelles. Chef d’orchestre du projet, Yann Le Pennetier écrit les scénarios qu’il confie à un florilège d’illustrateurs. Les épisodes ont d’abord été publiés dans deux recueils par la défunte collection Humour libre ; ils sont cette fois regroupés en un seul album, sous l’étiquette Aire libre.
L’auteur s’approprie les récits de Charles Perrault, d’Hans Christian Andersen ou encore de Jacob et Wilhelm Grimm, qu’il réinterprète complètement, parfois jusqu’à les rendre méconnaissables. Un exemple parmi d’autres : le petit chaperon rouge se donne aux peintres de Montmartre avant de les faire chanter. Elle exige d’eux une toile qu’elle offre à sa grand-mère, laquelle rayonne de bonheur dans son musée personnel. Sous la plume du scénariste, ce qui était sous-entendu devient explicite, notamment la sexualité. Dans ces fabliaux, il injecte ses propres référents : clins d’oeil au cinéma, à la peinture, à la bande dessinée, à la littérature, à l’histoire, à l’actualité… et même à la théorie littéraire sur les contes de fée. Le lecteur attentif comprend une partie de ces références, mais accepte que certaines lui échappent.
Comme toute compilation, celle-ci manque de cohésion et c’est particulièrement vrai pour le dessin. Les ruptures entre les chapitres se montrent quelquefois brutales. L’amateur des atmosphères feutrées de Philippe Dupuy et Charles Berberian n’étant pas forcément adepte du réalisme d’André Juillard ou du trait caricatural de Zep. Bref, il y a des hauts et des bas. Cela dit, ce qui est le bas pour l’un pourrait bien être le haut de l’autre puisque, dans son style, chacun a réalisé un travail appliqué.
Contes saumâtres est précédé d’une courte préface, le bédéphile aurait apprécié une mise en contexte plus solide, des inédits ou un cahier graphique ; ces ajouts auraient davantage justifié la réunion des deux tomes.
L'ensemble de ces contes d'Andersen dans le premier tome et de Perrault dans le second quelque peu détournés est assez sympa mais pas transcendant. Il y a des hauts et des bas dans les différentes séquences qui se succèdent et qui sont l'oeuvre de dessinateurs différents. Quelques fois, c'est drôle. D'autres fois, c'est plutôt lassant.
De manière générale, je n'aime pas les albums d'auteurs en collectif car la qualité est souvent inégale. Cela se vérifie encore en l'espèce bien que le dessin reste dans un même style homogène.
J'ai bien aimé par contre "le vilain petit phoque" qui est en réalité une critique bien acerbe. Oui, l'humour est bien différent selon les nouvelles. On n'est pas là dans ce que je préfère mais cela passe encore.
IC’est le souhait de relire « La princesses aux concombres » (déjà lu il y a quelques années) qui m’a mené vers ce grand détournement plein d’impertinence orchestré par Yann.
On se reprojette dans le contexte, et à la fin des années 90, réinterpréter les contes de notre enfance est un exercice impérieux. Y associer les dessinateurs de BD les plus en vogue alors en a fait un marqueur de cette époque. C’est clairement ce qui ressort à la lecture de cet album 20 ans plus tard. L’ouvrage, au ton grinçant et décalé, témoigne graphiquement, à travers les styles propres à chaque dessinateurs, de ce que pouvait être la BD des années 90. Le même exercice, réalisé aujourd’hui dans des conditions identiques, aurait une saveur complètement différente.
Que dire de l’album ? Déjà qu’il est intéressant de voir des dessinateurs hors de leur contexte habituel. Que certains contes ont vieilli et d’autres moins. Que le ton peut paraître cru à certains moments et la narration un peu datée. Et enfin, que 20 ans après sa première parution, cet ouvrage me semble un peu suranné tant il n’est plus en lien avec l’époque actuelle.
Ça n’enlève rien à la qualité de l’impertinence et aux noms connus et reconnus qui ont fait cet album.