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ien que Max ne travaille pas comme poinçonneur aux Lilas, il est tout de même celui qu’on croise et qu’on ne regarde pas. Dans la rue, on l’ignore; lorsqu’il bavarde avec les gens, ceux-ci l’oublient aussitôt; même sa psy a du mal à demeurer attentive à ses confidences. Bref, il est transparent. Au sens figuré, ça va de soi. Mais voilà qu’il le devient aussi au sens propre. Au premier abord, la chose se révèle embêtante, elle lui permet cependant de cohabiter avec Léonie la ravissante rousse qui vit dans l’appartement du dessus. Il mange avec elle, l’écoute quand elle a le cœur gros, dort à ses côtés et lui fait parfois des trucs… mais elle ne le sait pas. En manque d’affection, la rouquine s’entiche d’un lourdaud. Le spectre accepte tant bien que mal ce ménage à trois. Cela pourra-t-il continuer bien longtemps ?
Quelques mois à peine après Betty Boob, Véronique Cazot est de retour avec une comédie romantique comme les aime Woody Allen. Dans Les petites distances, elle aborde avec intelligence les questions de l’amour, de la sexualité, de l’isolement social et de la peur de la solitude, le tout traité à la façon d’une fable ancrée dans le XXIe siècle. L’auteure prend tout son temps pour établir les portraits de personnages attachants et vulnérables évoluant dans un cadre pour le moins improbable. Tout au long de l’album, le lecteur se demande d’ailleurs comment l’écrivaine arrivera à conclure cette histoire invraisemblable. La cohabitation de madame et son fantôme est fascinante et appelle à une conclusion saisissante qui n’est malheureusement pas vraiment au rendez-vous. C’est au demeurant le seul reproche qui puisse être fait à ce récit fort plaisant.
Dans ce livre, Camille Benyamina adopte un style complètement différent de celui développé dans Violette Nozière et Chaque soir à onze heures. Le crayonné, nappé d’aquarelle, donne un rendu légèrement nerveux traduisant une fragilité en adéquation avec l’insécurité et les questionnements des protagonistes. Ses acteurs sont du reste très réussis, particulièrement les femmes. Le défi de cette aventure était évidemment d’illustrer l’homme invisible. L’artiste le relève avec adresse, tout simplement en le dessinant diaphane. Il est assis sur un canapé fleuri, alors on distinguera les fleurs à travers lui. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Et c’est heureux.
Une bande dessinée qui devrait sourire aux amateurs de Philippe Dupuy, Charles Berbérian, Grégory Mardon et tous ces bédéistes qui décrivent avec finesse et humour la jeunesse parisienne.
Je me suis totalement laisser emporter par ce livre (comme avec « ces jours qui disparaissent », je dois avoir un truc avec les disparitions…).
Mais voilà, il y a tout dans ce livre : le sujet est original, le traitement est bon, l’avancée est logique, tant dans la disparition petit à petit que dans l’installation chez Léonie…
Chaque personnage secondaire a sa vie, de la copine psy aux parents, existe pleinement.
Outre la trame principale qui est prenante et belle comme du Roméo et Juliette, il y a celle de la mère, celle de ce père qu’il ne connaît pas…
Tout se déroule avec une belle logique, on s’attache à Max, on a de la peine pour lui…
Le dessin est simple comme l’histoire mais aussi efficace qu’elle. J’ai adoré ces dessins précis et souple, à la fois pastel et pourtant tellement habillés par leur couleur…
Bref, je me suis laisser envoûter par ce récit.
Lors de l’album précédent de Camille Benyamina ( l’adaptation avec Eddy Simon de Chaque soir à onze heures de Malika Ferdjoukh) le lecteur était un peu laissé sur sa faim : les relations n’étaient qu’ébauchées, les rebondissements parfois précipités. Avec ce one shot écrit en collaboration avec Véronique Cazot toute la palette des sentiments … et des couleurs se déploie !
J’aime beaucoup l’alliance de l’orange pimpant, solaire et « léonin » et du blanc « transparent » qu’on trouve dès la couverture puis tout au long de l’album et qui finit par caractériser les personnages. J’ai trouvé géniale l’utilisation « tremblée » que faisait la dessinatrice du gaufrier pour traduire le mouvement, et la transformation des cases en arrondis pour montrer les angoisses de Léonie ou au contraire les vraies « bulles » de bonheur des petites choses du quotidien. J’apprécie également les illustrations pleines pages où les couleurs pastel font tout passer, même les scènes un peu crues !
Pour montrer l’invisibilité de son héros, Cyril Bonin choisissait dans L’homme qui n’existait pas d’en faire un peu un Passe-muraille à la Marcel Aymé et utilisait une palette de bleu et de vert pour le dépeindre en contraste avec les couleurs chaudes de la vraie vie. J’adore la solution de « transparence » adoptée par les deux auteurs (lorsque Max est par exemple sur le canapé) et l’utilisation de couleurs un peu délavées pour montrer la deuxième dimension dans laquelle évolue le héros ; le fonctionnement « en dédoublement » des objets imaginé par Véro Cazot est lui aussi vraiment inventif.
C’est un travail extrêmement abouti qui mélange les genres : vaudeville (le triangle amoureux des voisines et du mari un peu benêt), satire (ah la psy ! ah le coloc relou et le hipster à deux neurones), comique (la mine et la verge réjouies de Max au parc m’ont valu un bon fou rire !) ; propose des personnages vraiment individualisés et croqués à la perfection qui ont le temps de s’épanouir sur les 120 pages. Ce roman graphique est à la fois une belle tranche de vie, une métaphore superbe sur « l’ultra moderne solitude » (le côté dégingandé et lunaire de Max me rappelle d’ailleurs un peu Souchon) et une extra-ordinaire histoire d’amour. La seule chose qui m’a moins convaincue est l’histoire de Maximilien que j’ai trouvée trop redondante par rapport à l’intrigue principale et trop grandiloquente. Il me semble que la simple mention du déni de grossesse de la mère aurait suffi à faire comprendre que Max était voué à l’invisibilité » dès sa naissance ….
Alors en résumé : j’ai passé vraiment un moment aussi délicieux avec Max et Léonie que doit l’être la mousse framboise pistache des jardins de Léo !
Difficile de noter cet album, tant l'ambiance, le concept et le dessin m'ont plu mais la fin m'a laissé un gout de trop peu.
Un peu comme "la9emebulle", j'attendais un petit plus, pour moi il manque quelques pages de transition sur la fin ...
Cet album m'a par contre fait découvrir une dessinatrice dont je suivrais le travail avec grand intérêt ! Certaines pages sont vraiment sublimes, la colorisation et les visages très doux ...
Ma note : 3,5/5
Bien aimé, joli dessin, je suis peut-être passé à côté de l'histoire avec cette invisibilité, ce compagnon, j'attendais quelque chose, je ne sais pas quoi, mais en tout cas plus ! Je suis partagé.
J'ai aimé tout de même ce moment de lecture...