L
a comtesse Marie Adelaïde de Sutherland n’est plus. Elle laisse à Olivia une riche dotation et à Clara le domaine familial. L'une ira faire fortune à Londres tandis que l’autre, malgré son abnégation et son courage, ne pourra sauver FlintHam Hall Manor d’une lente et inexorable décrépitude.
La partition de Flinthan, d’abord paru sous le titre Lucenera chez Oblomov edizioni, est le premier album de Barbara Baldi.
De son passé de coloriste (Sky Doll et Monster Allergy), la jeune auteure italienne garde l’amour des ambiances, de ses années d’illustratrice (pour Pixar, Disney ou Marvel) elle conserve une passion pour la peinture. Désireuse d’explorer de nouvelles voies, elle décide de se lancer dans un roman graphique pour raconter une histoire dans laquelle elle avoue mettre un peu d’elle-même…
Dès les premières planches l’essentiel est posé : la primauté des teintes, l’importance de la texture, l’éloquence des silences. Au fil de la lecture, nonobstant quelques cases curieusement en retrait, le talent s’affirme, fortement marqué par un impressionnisme - à l’époque - encore balbutiant et un réalisme qui marqua picturalement aussi ce siècle. Barbara Baldi définit de manière romanesque la psychologie des acteurs à travers l’empreinte colorée quelle appose sur le papier : ce que les mots ne disent, la couleur le crie ! En technicienne affirmée, elle manie l’outil informatique avec un brio tel que les coups de pinceaux numériques se fondent avec évidence dans ses aquarelles et créent des atmosphères qui ne sont pas sans évoquer Les hauts de Hurlevent où les mois d’hiver enneigés succèdent aux jours pluvieux avec une monotone régularité. Maîtrisant moins l’art du scénario et des dialogues, les propos sonnent toutefois justes.
Illustration, bande dessinée et peinture, La partition de Flinthan est une œuvre à la croisée des chemins qui révèle une véritable artiste.
Une très belle histoire de château anglais, romanesque et gothique à l'époque victorienne. Par ailleurs, c'est couronné par un graphisme pictural remarquable qui semble presque magique. On est réellement tout de suite subjugué par la grâce et la beauté de cette oeuvre.
Enfin, on ne fera pas d'effort pour entrer directement dans le coeur du sujet tout en comprenant le sens. Chaque case est une pure merveille graphique avec pourtant de tristes paysages froids balayés par le vent, la pluie ou la neige. Les landes anglaises seront perçues comme réellement hostiles. Voilà pour le décor certes un peu lugubre !
Je suis étonné de savoir que c'est le premier roman graphique de l'auteure Barbara Baldi qui réussit tout de suite à nous impressionner sans crier gare. Il s'agit d'une histoire d'héritage entre deux soeurs très différentes dont l'une est plutôt douée pour un instrument de musique à savoir le clavecin. Il y a aura beaucoup d'épreuves pour la plus gentille avec un espoir de s'en sortir au bout du chemin.
Une oeuvre esthétique d'une délicate beauté avec un scénario qui ne nous lâchera pas. Bref, une oeuvre rare car brillante.
Une bonne BD peut-elle atteindre à la "grandeur" par la seule force de son dessin ? Le sens commun suggère que non, bien sûr, puisque la dictature du scénario tout-puissant nous a depuis longtemps convaincus d'exiger aussi une bonne histoire. Mais voilà que cette "Partition de Flintham" arrive pour ébranler nos certitudes. Premier livre d'une visiblement brillante illustratrice italienne, Barbara Baldi, ce livre nous envoûte, nous enchante, nous promène, simplement (?) à l'aide de ses images sublimes, sombres aquarelles rendant régulièrement hommage aux chefs d'œuvre de la peinture classique.
Le livre est construit sur de très rares dialogues, et sur une histoire qui évoque immédiatement certains clichés romantiques éternels (les Soeurs Brontë, coucou !), avec son héroïne retranchée dans un refus du monde presque arrogant, mais prête à tous les labeurs et toutes les humiliations pour sauver l’héritage de sa grand-mère bien-aimée. "La Partition de Flintham", titre français un peu absurde sans doute imposé par le caractère intraduisible du titre original en Italien ("Lucenera", lumièrenoire ?), peut également nous rappeler les réflexions socio-politiques de "Downton Abbey" sur les contraintes économiques de la noblesse et sur les rapports entre maîtres et servants...
Baldi ne pousse pas toutefois pas la logique de son histoire jusqu'au bout : elle abandonne sans résolution les divers fils de son intrigue, et refuse de conclure de manière logiquement tragique le destin de Clara, la sauvant grâce à un happy rend par trop improbable, en nous faisant le coup usé du Deus Ex Machina (même si les deux dernières cases, énigmatiques, laissent planer un doute salutaire)... On ne peut donc pas dire que Barbara Baldi ait vraiment misé sur son scénario, qui ne paraît jamais vraiment l'intéresser, qui relève parfois plus de la logique des rêves (des cauchemars... puisque le pire est toujours certain !) que du rationnel.
Pourtant, et c'est là toute la magie de ce livre plus singulier que formaliste, il est difficile de le reposer avant de l'avoir terminé : chaque illustration nous entraîne dans le monde douloureux de son héroïne romantique sur laquelle s'abattent tous les malheurs imaginables. La chute est cruelle, longue, étourdissante, mais la manière dont Baldi injecte une petite lumière vaillante dans la nuit noire et froide qui menace sans cesse d’engloutir Clara est si belle que la jouissance du lecteur se fait de plus en plus aiguë.
"La Partition de Flintham" est une expérience rare.