Écrivain chouchou du public, de la critique et des médias, Brieg Mahé a décidé d’organiser une rencontre avec les meilleurs spécialistes du polar dans le but d’écrire le roman policier parfait (rien que ça). Comme il aime faire les choses en grand, il a même convaincu les autorités de lui prêter le phare d’Armen pour quelques jours. Lieu mythique (et hanté à ce qu’il paraît), air du large, météo contrastée et chouchen à volonté : les ingrédients parfaits pour remplir un week-end à tuer ?
Après l’Île d’Ouessant (Ouessantines) et Belle-Île en Mer (Belle-Île en père), Michel Weber et Nicoby continuent leur tour de Bretagne en s’arrêtant à l’Île de Sein et son fameux phare avec Sang de Sein. Véritable whodunit qui s’amuse à asticoter le monde littéraire, l’album reprend tous les éléments obligés du genre. L’intrigue s’avère classique et, sans être totalement cousue de fil blanc, logique et recelant juste ce qu’il faut de surprise. Plus intéressante, la galerie des personnages se montre particulièrement succulente. Un auteur à succès mégalo, un autre aigri, une cinéaste revenue de tout, un historien perdu dans ses références et un brave inspecteur à la retraite se retrouvent à cohabiter à l’intérieur d’un bâtiment étriqué et reclus. Les échanges sont rudes et les remarques assassines (!) fusent à tout vent. Très bien construite, la narration se déploie tranquillement alors que la tempête approche. Quand celle-ci se déchaîne, c'est par l’intermédiaire de moult coups de théâtre. Ces effets de manche sont, certes, un peu téléphonés, mais attendus vu la nature du propos. De plus, sans en avoir l’air, Michel Weber rend également un hommage sincère aux anciens, Agatha Christie au premier chef.
Aux pinceaux, Nicoby se fait plaisir en illustrant une fois de plus son petit coin de pays. Dès que l’action se transporte dans l’Enfer des enfers, il a l’occasion de donner une belle leçon de découpage et de mise en scène. Le huis clos est parfaitement orchestré et évidemment rempli de plongées et contre-plongées acrobatiques. Loin du romantisme exacerbé d’Emmanuel Lepage, le dessinateur réussit néanmoins à rendre une bonne partie de la grandeur dramatique de cet endroit fabuleux.
Sympathique et très bien réalisé, Sang de Sein offre un excellent moment de lecture à suspens entre terre et mer.
La BD commence bien.
Si j’ai eu un peu de mal avec le gros trait, les couleurs simples, le manque de détail, je me suis assez vite glissé dans l’histoire – qui, en plus, se révélait mystérieuse de prime abord.
On est partout, on ne comprend pas tout, les liens se tissent au fur et à mesure, c’est un plaisir de se laisser entraîner.
Et puis vers la moitié de l’ouvrage, on glisse dans quelque chose de plus classique, une enquête déjà vue, qui manque d’originalité…
Le mystère retombe pour proposer quelque chose de plus fade que le début, jusqu’à un dénouement deus ex machinien qui ne m’a absolument pas convaincu, dommage.