L
es temps ont changé. À une époque, Dieu fumait des havanes. Aujourd’hui, il est plus bière et pétard. Il faut dire qu’il en a gros sur la patate de toutes ces histoires de croyance et de vénération. De plus, c’est vrai, ils sont passablement casse-bonbon ces hommes et leurs éternelles demandes et autres prières. Lâchez-lui un peu la grappe et prenez vos responsabilités ! Ce n’est pas marqué tout puissant dessus… ah... euh, si en fait.
Y a pas de miracle, Dieu point zéro, Sacré Jésus et maintenant Godman, l’omniscience semble inspirer les bédéastes. Jonathan Munoz a choisi la voie de la satire sociale et générationnelle pour nourrir son scénario. Dieu, après avoir été un enfant star lorgné par toutes les télévisions du monde, a grandi et est devenu un ado rebelle qui n’a que faire de toute cette attention. Il broie son spleen à coups de bibine en essayant de choper de la caille, sans grand succès évidemment. Une série de quiproquos et de malentendus vont l’obliger à sortir de sa torpeur et à interagir avec cette race humaine si irritante.
Habilement construite, l’histoire entraîne le lecteur dans les rues d’un New York façon Spiderman parfaitement croqué. L’endroit et sa faune si typique permettent au scénariste d’illustrer certains travers contemporains (la starification à outrance, les selfies, etc.). Parfois un peu répétitive, la narration s’avère néanmoins bien pensée et les personnages, le héros en particulier, finement campés. L’humour omniprésent joue au premier abord sur l’énorme et le décalage avant de devenir quasiment cynique au fil des pages. Les dindons de la farce ne se révèlent pas toujours ceux à qui on avait initialement pu penser.
Intelligent, burlesque et brouillon par moments, Au nom de Moi surprend et séduit. Un peu à la manière du clan Jouvray dans Lincoln, Munoz propose là un « évangile » grinçant, explosif et hilarant.
J'ai bien aimé cette histoire qui part sur une variation de super-héros. Les humains le prennent alors pour Dieu lui-même alors qu'il n'est qu'un adolescent branleur dans toute sa puissance. Cette situation fait sourire à chaque case.
En même temps, il y a un récit sur un kidnapping d'enfant ce qui fait un peu monter la pression. Il y a également de bonnes trouvailles comme la critique de la starification à outrance.
Au niveau du dessin, c'est très abouti. Je n'aurais jamais pensé que j'aimerais un jour un fluide glacial mais là, c'est différent et vraiment marrant. Intelligent tout en étant burlesque, il fallait le faire.