L
’histoire de la création de Gaston Lagaffe est bien connue. Apparu en 1957 comme une animation à l’intérieur du Journal de Spirou, il a rapidement gagné ses galons et est devenu un des personnages emblématiques du magazine (comme du Neuvième Art par la même occasion). En plus de son gag hebdomadaire, le héros-sans-emploi apparaissait également dans une chronique délirante signée Yvan Delporte et évidemment illustrée par André Franquin. Grands moments d’humour gentiment subversifs et poétiques, les En direct de la Rédaction ont participé pleinement à ce qu'il est convenu d’appeler aujourd’hui l’âge d’or de la bande dessinée franco-belge.
Les éditions Dupuis continuent leur publication du fond Franquin avec un florilège rassemblant une partie de ces textes et illustrations. L’entreprise est louable et bienvenue, même si la manière s’avère quelque peu discutable. Façonnage fragile, mises en page et en contexte minimalistes et, surtout, absence du nom du co-auteur – l’immense Yvan Delporte – tant sur la couverture que dans le faux titre, l’imposant ouvrage montre immédiatement ses limites (en premier lieu, pourquoi pas une vraie intégrale ?). Heureusement que son extraordinaire contenu aide à faire oublier ces défauts.
Il y a un lion dans la rédaction, Les ponts Ducran & Lapoigne, La guerre des boîtes, Le petit monde du gaffophone, Le match qui nous a marqués, etc., ces épisodes hilarants et, pour certains, devenus mythiques, soulignent bien toute l’inventivité et la folie douce qui régnaient chez Spirou à cette époque. Les histoires rebondissent de semaine en semaine, s’enrichissent sans cesse de nouvelles péripéties et d’autres jeux de mots atroces (ce sont les meilleurs !) pour finir par former une farandole drolatique sans queue ni tête.
Et puis, il y a les dessins. À l’instar du scénariste, le futur créateur des Idées noires profite de cet espace de liberté et offre un festival des compositions de haut vol. Il est impératif de s’arrêter sur chaque illustration pour admirer le talent que déploie Franquin. Tout en vivacité et en mouvement, les silhouettes semblent prendre vie tandis que l’odeur de la morue aux fraises chatouille les narines.
Deux géants qui s’amusent à nous amuser en s’amusant, En direct de la Rédaction est typiquement le genre de livre à ouvrir au hasard pour tuer quelques minutes et rater son prochain rendez-vous. Allez, encore une page et je le referme.
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