« Faites l’amour, pas la guerre », disaient les manifestants en mai 1968. Mais dans les rues de Paris, les affrontements tournent à la violence. D’un côté les étudiants et les travailleurs, de l’autre les CRS et le gouvernement. Les belligérants s’échangent des slogans (souvent admirables : « Interdit d’interdire », « La volonté générale contre la volonté du général », etc.), des insultes, des menaces, des pavés, des coups de matraque et des gaz lacrymogènes. L’échauffourée marquera l’imaginaire et finira par s’inscrire dans les manuels. Mais derrière l’histoire officielle, il y a celle des gens. C’est du reste l’angle retenu par Éric Warnauts et Raives qui dépeignent ces semaines mythiques en exposant le parcours d’un petit groupe de copains, plus témoins qu’acteurs.
La distribution des rôles est convaincante : Jay, un Américain, Sarah, bourgeoisie et militante, puis son amie Françoise qui, d’ascendance modeste, se montre réticente à s’engager dans le combat contre un peu tout : pouvoir colonial, capitalisme, société de consommation, sans oublier le président de la République. Au-delà de l’éclat des bombes et des cocktails Molotov, les auteurs illustrent des révolutions moins bruyantes : les femmes prennent la parole, la sexualité se libère et les drogues circulent. En éclairant ces avancées, les auteurs soulignent le véritable héritage des années 1960, lequel est davantage social que politique.
Le dessin réaliste du duo demeure impeccable. La représentation de rues qui se sont imperceptiblement transformées au fil des ans (les immeubles haussmanniens demeurent, mais les bannières commerciales changent), le papier peint sur les murs des appartements, les tenues vestimentaires et les voitures rendent efficacement l’esprit de ces temps qui correspondent à la fin des trente glorieuses. Le découpage, simple, repose sur trois ou quatre bandes. Les plans rapprochés sont nombreux, certaines vignettes cadrent d’ailleurs de jolie façon le visage modiglianien de Françoise.
Les chroniqueurs ont du métier, ils ont signé une soixantaine d’albums, pratiquement tous ont pour cadre un passé plus ou moins lointain. Ils ne réinventent certes pas le langage du neuvième Art, mais ils savent raconter une anecdote en dosant savamment les ingrédients : un peu de romance, une quête de soi, des tensions sociales et un fond historico-politique. Et ça marche. Bref, de la belle bande dessinée grand public.
Vite lu, vite oublié. Ces chroniques soixante-huitardes sont un peu trop hédonistes à mon sens.
Le dessin est très impersonnel comme le propos, on en retire rien de très marquant. Avec le recul du temps cette période se perd dans les méandres de nos souvenirs idéalisés.
Comme disait Léo Ferré : "A vous donner l'idée de retourner vers les oiseaux."
Mai 68 par les yeux d’un jeune américain avec ses illusions et désillusions collectives et personnelles. Ambiance de l’époque très bien rendues, personnages attachants, la qualité de ces auteurs ne faiblit pas, je suis toujours très fan !