C
anetor, sa copine Canetorette et sa sœur Canetorine sont de retour avec des aventures inédites pleines de bricolages, de cruauté et d’amour ! Avatar disneyen que Michel Pirus avait co-créé il y a des lustres avec l’ineffable Charlie Shlingo, Canetor est une série faussement enfantine à l’humour souvent méchant. Sous des airs innocents, c’est bien de la violence des rapports humains dont il est question.
Il s’agit avant tout de décalages et de faux-semblants. Alors que le graphisme et le design très léché « façon Chris Ware » suggèrent une certaine rigueur narrative, les histoires semblent, au contraire, avoir été imaginées à la petite semaine. La succession d’incidents frôlant en permanence l’absurde, comme, par exemple, la dernière cavalcade de Cody le cheval de bois, entraîne le lecteur dans une farandole insensée. Pourtant, à y regarder de plus près, l’album forme un tout étrangement cohérent. Si l’ensemble tient si bien debout, c’est en grande partie grâce à l'impeccable caractérisation des personnages : le candide amoureux, la chipie, l’idiote, le comparse retors, etc.. Situations ubuesques après moments improbables, ces quasi-stéréotypes sont systématiquement remis en selle pour de nouvelles avanies. Le stratagème est simple à première vue, mais délicat à mener. Heureusement, l'imagination et, surtout, la précision de l’auteur sont au rendez-vous.
La mise en images joue aussi pleinement sa part dans la dissonance voulue par Pirus. Derrière les couleurs franches et la ligne claire stricte pointent d’innombrables références aux « grands anciens » ( Lewis Carroll, Windsor McCay, Benjamin Rabier, Harold Lloyd, etc.). En effet, cette avalanche de gadins et autres vacheries cache également une exploration discrète et nostalgique de manières oubliées d’appréhender le réel.
Hommage à une certaine époque où le politiquement correct n’était pas de mise, fort de quelques règlements de comptes avec la bêtise actuelle et d'une jubilatoire réalisation graphique, Brico Queen remplit parfaitement son rôle de lecture-soupape. Un peu de méchanceté gratuite entre deux clins d’œil à un esthétisme passé de mode, ça fait du bien !
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