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n 1907, Gaston Leroux publie Le Mystère de la chambre jaune. Un roman policier qui, depuis sa parution est régulièrement adapté au cinéma, à la télévision, au théâtre… et en bande dessinée. L’histoire est connue. Mathilde Stangerson est agressée dans une pièce sans issues : la porte est verrouillée, les volets de fer sont fermés avec de solides loquets et les barreaux aux fenêtres sont résistants, il n’y a pas de sortie secrète derrière la commode et pas de trappe cachée sous le tapis. Bref, tout le monde y perd son latin. Jardinier et amoureux éconduit figurent parmi les suspects. Ils auraient certes un motif, mais la mécanique du crime demeure inexplicable. Rouletabille s’en mêle et lève le voile.
Jean-Charles Gaudin propose une transposition respectueuse de l’histoire. Probablement trop. Son travail rigoureux préserve l’essentiel de l’intrigue, mais c’est le reste qui manque, notamment la bonhomie du héros censé être attachant. De cet album se dégage une certaine lourdeur. Les dialogues sont omniprésents, tout est dit et expliqué, un peu comme si l’auteur ne faisait pas confiance à son lecteur, comme s’il ne croyait pas que ce dernier puisse lire les images ou deviner ce qui se cache entre les lignes.
De facture très conventionnelle, le dessin de Sibin Slavkovic appartient à une autre époque. Dans l’ensemble les décors sont bien rendus, les visages des protagonistes s’avèrent cependant particulièrement inexpressifs ; le personnage principal semble par ailleurs avoir beaucoup plus que les seize ans annoncés dans sa biographie. Le découpage se révèle sage, ce qui n’est pas un mal en soi pour l’adaptation d’une œuvre classique, mais étonne tout de même dans la mesure où l’artiste s’est auparavant mesuré à Batman et Spiderman.
Le bédéphile ne doute pas qu’au début du XXe siècle l’amateur se soit exclamé : « Ça alors, je n’y aurais jamais pensé, cet écrivain a du génie. » Mais cent ans plus tard, son arrière-petit-fils se demande si la reprise à l’identique d’une énigme cousue de fil blanc est vraiment nécessaire. Et si la réponse est positive, il souhaiterait que les repreneurs affichent plus d’audace, qu’ils s’approprient le récit et l’amènent ailleurs.
Bien entendu, c'est une vieille histoire mais c'est si bon de replonger dans le passé et de revivre les aventures qui ont passionné nos grands-parents… C'est un classique bien mis en valeur par le scénario et le dessin. Je le conseille à ceux qui aiment les histoires policières à "se tirer les cheveux" et à ceux qui, tout simplement, veulent lire ou relire un des grands classiques de la littérature.