« - C’est … à cause de mon comportement ?
- Disons simplement que nous croyons que ce poste n’est pas fait pour vous.
- …
- Je savais que ça finirait par se voir. »
Fraîchement viré de son boulot, Butt ne s’en fait pas trop et se réjouit même de cette liberté retrouvée. Reste à meubler tout ce temps libre dans une ville, Hong Kong, qui ne s’arrête jamais. Reprendre des lectures abandonnées il y a longtemps ? Faire un voyage ? Rencontrer des nouvelles personnes ? Ou alors, pourquoi pas, imaginer un nouveau plan d’urbanisme ? Le choix est vaste, mais d’abord une petite partie sur sa console portable et une sieste.
Justin Wong signe avec Je préférerais ne pas le récit autobiographique de la génération Millénium : propos connectés, curiosité ultra-ciblée, remise en question d’un système socio-économique à bout de souffle et un côté « moi-je-me » totalement assumé et revendiqué. Un peu à l’image de Gébé et son An 01 et, dans une certaine mesure, Bartleby d’Herman Melville, l’auteur commence à refuser les règles du jeu pour mieux prendre du recul et vivre sa vie réellement. Le refus global n’aurait pas non plus été très loin, s’il n’avait été pas branché sur Facebook 24h/24.
Les angoisses existentielles sont anciennes, la manière est bien d’aujourd’hui. Le découpage complètement explosé utilise tous les artifices de l’informatique, organigramme de programmation y compris. Le trait simplifié à l’extrême penche à l'évidence vers une symbolique fonctionnelle, tandis que les émojis retranscrivent sans coup férir idées et réflexions. Tel un Chris Ware ayant mangé du Steve Jobs au petit déjeuner, le dessinateur surfe sur ses planches en multipliant les à propos graphiques et autres métaphores numériques. Cerise sur le gâteau, une fois ces nouveaux codes digérés, l’album jouit d’une grande lisibilité et reste cohérent sur toute sa longueur. Wong raconte vraiment une histoire, la sienne, mais aussi, plus globalement, celle de ses contemporains.
Avec ses fausses allures de notice de sécurité d'avion de ligne, Je préférerais ne pas s’avère être une lecture des plus réjouissantes à la réalisation impeccable (chapeau à Bertrand Speller pour son excellente traduction) et au design particulièrement léché.
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