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usqu’à aujourd’hui, le Louvre avait ouvert ses portes à des bédéistes respectables : Philippe Dupuy, Enki Bilal, Étienne Davodeau, Bernar Yslaire ou Jirô Taniguchi. Mais voilà qu’il invite la bande de Fluide glacial. Ces drôles de zigs sauront-ils se tenir correctement sans faire honte à la famille ? Pour ne pas courir de risque, les iconoclastes ont été convoqués un jour de fermeture. Finalement, tout s’est bien passé et le résultat est plutôt sympathique.
Dans cet album qui a pour fond de commerce l’irrévérence, le lieu et les œuvres sont systématiquement présentés sous un angle inattendu. Ainsi, les figurants du Radeau de la Méduse de Théodore Géricault vont prendre un pot après une longue séance de pose et la Grande Odalisque a une aventure torride avant d’être peinte par Jean-Auguste-Dominique Ingres. Les visiteurs subissent aussi le regard narquois des humoristes qui se marrent à observer des touristes qui se massent devant la Joconde ou disent n’importe quoi en ayant l’air de s’y connaître, sans oublier les ineffables Bidochons à la recherche d’un tableau où figure un sujet champêtre devant lequel ils pourront pique-niquer.
Mine de rien, les profanateurs proposent un tour d’horizon assez complet de la vie muséale. S'ils le font avec dérision, le respect n’est jamais loin. Dans ce livre (qui est en fait un magazine), les histoires se suivent et ne se ressemblent pas. Le gag est parfois subtil ou engagé, mais la plupart du temps il est gras, du moins dans les bandes dessinées. La compilation est en effet émaillée de textes où des experts livrent des analyses sur les liens entretenus par le neuvième Art et la peinture ou encore la place de l’humour et de la sexualité dans certaines toiles.
Le dessin est évidemment divers, variable. Parmi les plus réussis : les lavis de Charles Berbérian, les hachures de Francis Masse et le très beau Saint-François d’Assise recevant les stigmates pastiché par Gotlib.
Avec Fluide glacial au Louvre, l’institution souhaite de toute évidence se rapprocher du citoyen lambda. Pourquoi pas, d’autant plus que le choc des cultures populaires et élitistes donne ici un résultat intéressant, bien qu’inégal.
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