À la fin des années 1960, Jean-Marc Rochette voue un culte à Chaïm Soutine, un peintre dont il admire l’œuvre dans un musée grenoblois. Le garçon a d’ailleurs un petit talent pour le dessin, mais réticent à l’autorité, il refuse de se laisser guider. C’est un peu par hasard qu’il croisera Sempé (pas l’illustrateur, un autre), qui l’initiera à l’escalade. Pendant quelques temps il croit que son destin est de devenir guide. Il réalise tout de même que s’il veut relever de nouveaux défis, ce sera au prix de risques de plus en plus importants. Autour de lui les accidents et les morts se multiplient d’ailleurs.
Le récit coécrit avec Olivier Bocquet est un conte initiatique. À l’aube de sa vie adulte, l’adolescent cherche sa voie, tourne le dos à la famille et se mesure à l’adversité, laquelle adopte la forme d’une collection de sommets à escalader de toutes les façons. Pour le non-initié, rien n’est plus semblable à une paroi rocheuse qu’une autre paroi rocheuse. Dans cet album, le héros en attaque pourtant plusieurs. Le lecteur pourrait craindre l’ennui dans ce copieux livre de 300 pages, mais c’est sans compter sur le sens du rythme des scénaristes qui excellent à mettre en scène les tensions, les doutes, les peurs et les joies des trompe-la-mort. Le bédéphile apprécie par ailleurs de voir doucement se préparer la carrière artistique du protagoniste qui fleurette avec la rédaction de L’Écho des savanes, avant de recevoir une proposition d’un certain Jacques Lob.
Les hauteurs et les grands espaces inspirent visiblement l’artiste. Alors que le créateur russe est obsédé par le rouge, ce sont le bleu et le blanc qui caractérisent le coup d’œil du personnage principal lorsqu’il trône sur les pics enneigés. Son trait, nerveux et presque sévère, traduit l’environnement hostile qu’il affronte. L’ouvrage propose du reste une abondance de cases verticales, lesquelles dévoilent des points de vue quasi subjectifs, généralement en contre-plongée lors de l’ascension, et en plongée au moment de la descente.
Un joli livre que Renaud aurait pu résumer ainsi : « C’est pas l’homme qui prend la montagne, c’est la montagne qui prend l’homme, tatatin. ».
Édifiant. Je ne pensais pas que cette lecture allait autant me captiver. C’est beau, rythmé, le côté dramatique est parfaitement dosé
Ailefroide de Rochette est un bon album. Le récit est bien construit, les dialogues sont justes. On atteint pas ici au mysticisme de certains récits d'escalade. C'est que l'auteur à un autre dessein plus terre à terre... De là une autobiographie relativement convenue qui manque d'envergure. Mais c'est à lire au moins une fois.
Une excellente autobiographie sur Rochette et sur sa passion pour l'escalade (et le dessin).
Un album émouvant avec ses nombreuses rencontres "des amoureux des sommets" : dont beaucoup sont décédés accidentellement en pratiquant cette passion.
Jean-Marc Rochette décrit également très bien ses mésaventures et les nombreuses fois où il a frôlé la mort.
3.5/5 pour ce bel ouvrage.
Je ne serai pas aussi dithyrambique que les autres avis, concernant cet album. Si l'histoire est forte, elle comporte des longueurs qui auraient pu nous être épargnées, et le dessin pêche un peu.
Du point de vue du scenario, je n'ai pas grand chose à dire, puisque c'est une biographie (partielle, mais authentique, apparement). Mais les choix scenaristiques sont plus discutables. Il y a un "ventre mou", dans cet album, avec une succession d'ascensions qui finissent par devenir lassante.
Ayant fait de la montagne uniquement en tant que "touriste occasionnel", sans jamais prendre de risque ni fait d'escalade, je suis impressionné par le parcours de Rochette et de ses acolytes montagnards.
Mais ces prises de risques me semblent effectivement sans intérêt, tant elles sont stupides, alors que la vie est si belle si on sait en profiter vraiment et longtemps. De ce point de vue là, cet attrait pour le risque extrème ne m'a pas parlé. Et du coup, l'ennui a fini par arriver. Jusqu'au drame, bien sur, qui a fort opportunément relancé l'histoire.
Après, graphiquement, autant j'accepte le dessin de Rochette sur "transperceneige", autant là, il me semble un peu trop schématique et répétitif. La montagne ne ressemble pas à ça, elle est bien plus belle, et je trouve que le dessin n'a pas réussi à la rendre telle qu'elle est vraiment. Dangereuse, certes, mais belle avant tout, avec plus de couleurs, des ciels bien plus brillants (même en hiver), et tout ça manque dans cet album.
Sans doute que pour parvenir à dessiner 290 planches, Rochette a dessiné vite, et peut-être un peu trop vite. C'est dommage.
Au final, cet album est à lire, mais il pêche un peu graphiquement parlant, pour être vraiment bien. A lire, mais pas forcément à relire à cause des longueurs et du dessin un peu baclé parfois.
J'ai mis plusieurs jours à venir à bout de ce pavé mais j'y suis arrivé. Je dois dire que ma lecture a plutôt été assez agréable mais il m'a fallu des temps de pause pour reprendre. Sans doute avais-je envie d'apprécier pleinement en prenant pour une fois mon temps.
Il est vrai également que je ne suis pas très fan de la montagne et de ses alpinistes qui risquent leur vie pour un gros rocher. Il est vrai que les secours coûtent plutôt assez cher à la collectivité pour des personnes qui se mettent volontairement en danger. D'autres diront que c'est un hobby de riches mais pas forcément quand on voit l'origine social de certains jeunes alpinistes. En tous les cas, c'est un sport très dangereux. Cependant, quand l'esprit de la passion l'emporte...
Pour autant, j'ai fortement apprécié ce récit car j'ai été tout d'abord assez impressionné qu'un jeune puisse grimper aussi haut alors qu'il n'est pas encore un adulte. Il s'agit en l'occurrence de l'auteur qui est finalement devenu dessinateur de bande dessinée mais qui aurait pu très bien au niveau de ses compétences être un guide de haute montagne.
Il a croisé le destin de pas mal de grimpeurs de renom dont certains ne sont malheureusement plus vivant pour cause d'accident. Il faut dire que la montagne ne fait pas de quartier. On tremblera à de nombreuses reprises pour lui tant les conditions sont parfois difficiles. Il faut dire que l'insouciance de la jeunesse fait faire des choses parfois extraordinaires.
Oui, j'ai été captivé parce que c'est une excellente bd qui fait d'ailleurs partie de la sélection officielle d'Angoulême et qui mérite certainement un prix. On comprend également ce qu'Ailefroide représente pour l'auteur ayant changé de voie. Tout sonne juste dans ce récit. Que dire également du dessin qui possède une grande puissance évocatrice du monde de la montagne ? Sublime.
Quel bel ouvrage!
Le récit est puissant, implacable, dans l'histoire autobiographique d'un adolescent puis jeune adulte exalté et écorché vif fasciné par la montagne.
L'album est très beau. La montagne est lumineuse et sombre, la mise en page alterne judicieusement les différents plans et les moments de respiration du récit.
La narration est aussi une ode aux taiseux de la montagne car les dialogues sont limités au juste nécessaire ce qui confère à cet ouvrage une dramaturgie juste.
Malgré les drames j'ai reçu une belle leçon de vie.
Merci
Jean-Marc Rochette, nous le connaissons pour cette BD mythique « Le Transperceneige » qui est souvent considérée dans le « top 10 » de l’histoire de la bande dessinée, comme l’une des plus grandes…
Il dessine ici une œuvre autobiographique splendide dans laquelle il raconte sa jeunesse à Grenoble et sa passion pour l’alpinisme qui le destine de prime abord au métier de guide de haute montagne. Roman graphique initiatique, sur la « grimpe », mais aussi sur le devenir adulte et les choix de vie. Beaucoup de réussite aussi bien dans la construction du scénario que dans les dessins qui, avec une colorisation particulière, sont vraiment magnifiques. Que l’on soit amoureux des montagnes, alpiniste ou bien simplement lecteur curieux aimant les beautés des œuvres d’art ce livre s’adresse à tous.
Nathalie - Médiathèque de Monaco
Superbe récit sans concession que le dessin dur sert parfaitement, à défaut de mettre en valeur la beauté des Écrins.
Il touche quiconque s'est épris de la montagne, mais je pense qu'il parle aussi à tous.
"Ailefroide" est une lecture passionnante même sans y connaitre quoi que ce soit à l’alpinisme – c’est mon cas.
Cet album autobiographique est construit sur l’enchainement de scènes courtes, souvent d’escalade, ce qui permet d’avaler les presque 300 pages sans temps mort car l'ensemble cultive un sens aigu de la dramaturgie et du suspense. Cette écriture particulièrement efficace fait écho aux décors : aride, sans emphase dans les descriptions, sans pathos dans les sentiments; les mots sont justes, secs et frappants. L’osmose est ainsi parfaite avec le dessin réaliste et buriné de Jean-Marc Rochette, sans fioriture tape à l’œil mais réalisé avec une science du cadrage et de l’impact, à l’image de la couverture.
Du sinistre internat grenoblois des années 70 au "Transperceneige", l’itinéraire austère d’un surdoué qui a gravi sa propre montagne pour atteindre son sommet. Un récit d’apprentissage puissant, à la fois atypique et universel. Un grand roman graphique.