À peine remise de ses blessures, Tajo Caine se réveille en proie aux doutes face aux événements qu'elle a provoqués. Entre retrouver Della, chercher une trace de Stel, sa mère, et retrouver sa belle-sœur, Lena, la jeune femme ne sait plus par quoi commencer. Et si tout cela était finalement vain ?
Après les avancées des Rivages de l'espérance, cet opus, axé sur Tajo, fait un peu office de respiration. L'intrigue centrale est délaissée au profit des conséquences des actes de la jeune Caine lors du tome précédent. Développer davantage sa psychologie, mais également revenir sur Salus en mettant en scène l'opposition Sénat et peuple, voilà pour les intentions essentielles de Rick Remender. Il accentue ainsi le contexte politique bouillant qui secoue la cité et dessine les contours des changements à venir. Son talent de conteur fait le reste. Le scénariste de Deadly Class et Seven to Eternity aime digresser en incorporant des réflexions sur l'identité, la place de chacun dans le monde et ces quatre épisodes n'y échappent pas. Il axe son propos sur le questionnement auquel la jumelle est en proie : quelle philosophie de vie choisir et surtout l'importance de l'espoir dans les choix individuels. Doit-elle baisser les bras et se résoudre au sort qui attend les siens ou doit-elle, comme son frère Marik et sa mère, lutter et aller de l'avant quels que soient les obstacles ?
Le dessin de Greg Tocchini est reconnaissable entre mille. Ses compositions provoquent toujours l'étonnement voire l'admiration et même si son trait, vif et lâché, n'est pas toujours précis tout au long de cet arc (les visages sont parfois aléatoires...) son sens de la mise en page fait merveille. L'artiste brésilien gratifie le lecteur de plusieurs doubles planches de toute beauté. Bien aidé, à nouveau, par Dave McCaig pour la colorisation, il déploie tout son talent pour peindre de superbes scènes d'action, dans les cieux comme sous-marines. Un style qui plaît autant qu'il rebute - sensation renforcée par une lisibilité pas toujours au rendez-vous - mais qui clairement ne laisse pas insensible.
Cultivant les défauts autant qu'il appuie sur les qualités de Low, Derrière le brouillard ravira les fans de la série. Pour les dubitatifs de la première heure, inutile d'insister, les auteurs ont choisi leur voie et ont visiblement décidé de s'y tenir.
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LOW est une série exigeante. De part les dessins très particuliers de l'illustrateur, par les sauts incessants dans le temps ou dans l'espace entre les volumes, par les bulles de narration qu'aucune indication ne rattache à un personnage en particulier... Le scénariste nous malmène dans un monde désespéré, entre des personnages torturés par la vie (au propre comme au figuré), affrontant les pires créatures de ces bas fonds. Cela car la ligne de force de ce comic est l'espoir dans un contexte d'apocalypse. Le trait est appuyé afin d'illustrer qu'au défi de toute rationalité, seul l'esprit peut maintenir cet espoir (comme l'explique le gourou de Stel dans le premier volume).
Ce (déjà) quatrième volume est un peu moins intéressant (à la fois graphiquement et quand à l'intrigue): il se résume en une poursuite diluée artificiellement par un premier chapitre en flash-back permettant un Deus-ex machina un peu facile. Probablement que Remender est allé un peu loin dans la destruction de toute possibilité et doit s'en remettre à cette facilité scénaristique pour retomber sur ses pieds (pas aberrante mais un peu grossière). Surtout, le fait de revenir à Salus enlève la richesse des découvertes d'univers que permettait la série à chaque volume. Du coup le tableau est celui d'une cité (déjà vue) en fin de décadence, avec une population s'adonnant au suicide dans le plaisir... Les teintes graphiques sont également un peu ternes et visuellement le chapitre 1 revenant dans l'arène de combat des pirates où Marik affrontait des Léviathan est le plus sympa. Il faut reconnaître que le fait de changer de personnage focus régulièrement dans la série ne facilite pas l'addiction du lecteur!
Pour ne pas noircir le tableau de ce qui reste un bon album, les points forts de la série demeurent: des séquences d'action vraiment talentueusement menées, des dialogues fins et qui apportent une vraie réflexion, enfin, last but not least, des fulgurances visuelles et conceptuelles sur des enchaînements découpés ou des pleines pages, qui nous font oublier les tics de Greg Tocchini avec ses déformations improbables.
Rick Remender fait généralement des séries courtes. L'histoire et le concept semblent arriver à leur terme et il est probable (souhaitable) que le prochain tome soit le dernier. Une série en 5 volume est un format raisonnable et la fin de ce volume laisse augurer un changement d'environnement qui devrait permettre un apothéose graphique à ce qui restera une très bonne série de SF.
A lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/26/derriere-le-brouillard