I
l était un temps où les auteurs faisaient des revues pour pouvoir publier leurs travaux ainsi que ceux des copains. C’est comme ça, sous l’impulsion de Marcel Gotlib, qu'est né Fluide Glacial un heureux premier avril 1975. Envieux de cette entreprise maintenant quasi-centenaire (à trois lustres près), Gérard Viry-Babel et ses associés ont décidé de mener une enquête auprès des derniers survivants de cette épopée marquée par l’umour et la bande dessinée. Maisons de retraites dorées, hospices miséreux, cimetière coquets, l’enquête leur a permis d’exhumer révélations-chocs et témoignages honteux qu’ils ont rassemblés dans Les Pionniers, les années 70 de Fluide Glacial, une somme d’érudition appelée à élever les foules laborieuses vers la lumière et la connaissance.
Passé l’hommage unanime fait au grand Marcel, l’ouvrage offre un éclairage passionnant sur les premières années du journal. Évidemment, il y est question de BD, de gags et de l’ambiance déconnante qu’entretenait ces grands gamins unis par la plume et le pinceau. Chose rare, des sujets plus terre-à-terre sont également abordés : gestion, salaires, parution d'éventuels albums, ainsi qu’une certaine jalousie, alors que peu à peu le succès fût au rendez-vous. Le rôle de Jacques Diament – jumeau maléfique de Gotlib pour certains – est particulièrement mis en avant. Autant comptable que directeur artistique fantôme, ce personnage atypique au profil d’épicier tenait la baraque avec la bénédiction de son copain d’enfance. Sur le papier, cette association semblait incongrue et fit grincer nombre de dentiers. Dans les faits, Fluide est toujours présent dans les kiosques aujourd’hui.
Pages inédites ou oubliées retrouvées au sein d’archives secrètes, avalanches d’entretiens et d’aveux révélateurs, un emballage graphique hilarant signé Romain Dutreix, Les Pionniers s’avère être une lecture indispensable pour tous les bédéphiles adeptes du bon goût et de la franche rigolade.
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