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n 1998, les progrès de la science vont pouvoir aider à réparer les fautes du passé... et rassurer Mario. Eh oui, à l'inverse de son coloc Santiago qui incarne l'insouciance, l'étudiant introverti doute et décide de faire le test ADN qui permettra de statuer sur l'identité réelle de ses géniteurs. Des discordances ont fini par semer le trouble dans son esprit et perturber sa sérénité, comme ces questions éludées par ses parents, des sujets tabous ou une ressemblance physique peu flagrante entre eux. Ils pourront se renseigner sur la Place de Mai, là où les grand-mères rassemblées brandissent des photos de leurs familles, victimes de la dictature argentine. Fait-il partie de ces enfants volés durant les années soixante-dix/quatre-vingt ? Sous prétexte d'avoir été opposants au régime, des couples ont été ainsi séparés tragiquement et pour la plupart, assassinés. Par solidarité masculine (et parce que l'infirmière est jolie), Santiago franchit également le pas. Mais si connaître le résultat est une chose, que faire ensuite de la vérité ?
Avec Vies volées, Matz délaisse un temps ses thrillers musclés (Balles perdues, Corps et âme) pour un récit réaliste empreint de sensibilité, ancré dans une période peu reluisante de l'Argentine contemporaine. S'attachant à l'exploration de l'aspect humain plus qu'à la dénonciation des actes, le scénariste évite de pointer un doigt accusateur et envisage plutôt les répercussions sociales et psychologiques indéniables,potentiellement dévastatrices, consécutives à la perte de ces repères. Enrichie de rôles secondaires clefs, la dynamique des deux amis, aux caractères diamétralement opposés, constitue le moteur de l'intrigue qui avance dans le drame au fur et à mesure des révélations. Ne sombrant pas pour autant dans la noirceur et la rancœur, l'histoire garde un versant positif grâce à la personnalité attachante des jeunes gens. Au-delà de la vision historique, une réflexion sur la recherche identitaire, les liens du sang et la reconstruction de soi, se développe.
Les personnages prennent vie sous le crayon léger et fin de Mayalen Goust (Kamarades). L'artiste possède un style personnel qui accorde une jolie texture à ses décors et dégage beaucoup de douceur et d'élégance, confortées par les couleurs pastel. L'ensemble atténue la violence des faits, sans nuire à leur portée.
Toute en émotion contenue et mise en valeur par des illustrations délicates, cette fiction emplie d'humanité met en scène des faits malheureusement avérés qui méritent d'être éclairés, par égard pour les victimes.
Les dictatures se suivent et se ressemblent. Pourtant, certaines d'entre-elles peuvent être plus cruelles que d'autres même si ce genre d'échelle de la souffrance est bien difficile à établir.
L'Argentine a connu malheureusement une dictature sanglante en 1976 et 1983. Certes, elle a pratiqué des exécutions notamment d'opposants gauchistes. Ce qu'il faut savoir, outre le fait qu'il lâchait des femmes d'opposants du haut de leurs hélicoptères pour s'écraser dans le rio de la plata, le régime a enlevé des enfants pour les faire adopter par des proches du régime ou des familles sûrs et sans histoires. Cela a concerné environ 500 enfants.
Certes, ce récit est fictif mais il s'inspire d'une triste réalité. Alors qu'il accompagnait son ami en quête de vérité, un étudiant qui joue le mariole fait également faire ce test dont les résultats seront terribles pour son existence. Le récit va changer progressivement de protagoniste principal pour suivre sa quête inspiré par un mouvement de grands-mères désireuses de rétablir certaines vérités.
J'ai beaucoup aimé ce récit qui prend une direction inattendue. Malheureusement, tous les enfants n'ont pas retrouvé leur vraie famille et cela provoque bien des traumatismes dans sa construction d'être humain. Le titre est plutôt bien choisie. Le dessin est doux ce qui n'est pas pour déplaire le lecteur car le trait est empreint de sensibilité. Tout comme ce récit qui est à découvrir.
Un sujet intéressant et bien traité, avec une légèreté du trait qui nous emporte bien dans l’histoire.
C’est joli, c’est sympa à suivre…
Un petit côté didactique, derrière, tout de même, qu’on comprenne bien le sujet et ce qu’il en découle, l’avant, l’après, avec également des ficelles qu’on voit venir à l’avance.
Dommage parce que ça fait plus documentaire que BD autour d’un thème mais ça reste agréable.
Un album qui se démarque surtout par le dessin subtil et très élégant de Mayalen Goust que je ne connaissais pas. Sa mise en couleur, ses textures et ses cadrages sont fantastiques !
Quant au scenario de Matz, il est utile et sincère mais beaucoup trop elliptique, trop incomplet et rapidement expédié pour toucher le lecteur comme il le mériterait. Il cherche à décrire l’authentique combat des Grand-mères de la place de Mai, à Buenos Aires, pour retrouver tous les enfants enlevés durant la dictature argentine (1976-1983)... Son intention est donc tout à fait louable mais il était simplement impossible de raconter une histoire aussi complexe en 80 petites planches. C’est souvent ce qu’il se passe quand la fiction se fond dans l’actualité.
A lire quand même pour le sujet intéressant, mais surtout pour ce dessin superbe qui fut pour moi une belle découverte.
Malgré un sujet difficile l'illustration et le texte sont d'une extrêmes douceur. Très belle BD. Cette BD permet de ne pas oublier tous ses enfants.