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ort à trente ans à peine en 1946, Pierre Loutrel aura eu le temps de traverser et marquer à sa façon la première moitié du XXe siècle. Braquages audacieux, meurtres sanglants et autres coups fourrés, il aura été Pierrot le fou, le premier ennemi public de la République.
Deuxième tome (sur trois) de À la vie, à la mort !, Le gang des tractions avant continue de faire défiler les évènements majeurs de la vie du criminel en se concentrant plus particulièrement sur les années de guerre. Enrôlé par la Gestapo française, il devient l’homme à tout faire du sinistre René Launay et est chargé de « convaincre » les réfractaires de participer à l’effort national du Maréchal. Évidemment, étant devenu intouchable, il se sert largement au passage. Petit clin d’œil sympathique pour l’occasion, le scénariste le met en présence (légende ou fait avéré ?) de Joseph Joanovici, le héros bien connu des lecteurs d’Il était une fois en France. Sentant le vent tourner, il devient résistant en 44 et met au service de la Nation tout son savoir-faire dans l’élimination des traîtres et des profiteurs. Résultat, la paix revenue, il peut reprendre ses « activités » habituelles sans être inquiété par les autorités. De retour de Mauthausen, Jo Attia, son complice de toujours, est même décoré de la Légion d’Honneur par De Gaulle !
Multiples retours en arrières enchâssés, rappels historiques et autres anecdotes à peine croyables, Rodolphe a tissé un récit palpitant et plus vrai que nature. Aux pinceaux, Gaël Séjourné fait revivre cette époque troublée avec précision et un certain panache quand il s’agit de dépeindre ces hommes aux épaules carrées et au toupet sans limite. Précise et très bien documentée, cette biographie racontée en mode classique se lit avec plaisir. Une fois l’ouvrage refermé, il est fort à parier que peu n’avoueront pas une certaine admiration coupable face à ces aventuriers aux âmes sulfureuses et à la détente facile.
Qu'est-ce qui sépare un salopard d'un héros ? Un lieu, un moment, les gens que l'on rencontre ?
Sans aucun doute, ce Pierrot ne manque pas de courage mais il l'utilise à mauvais escient. Ce deuxième album est surtout consacré à sa période de collaboration avec la gestapo. Mais celle-ci n'est qu'un prétexte à ses exactions. Peu importe pour qui il travaille ou dépend, seul compte le résultat de ses rapines.
Nous avons affaire à un arriviste de haut vol et gare à qui se met ou se trouve sur son chemin. Peut-être que sur un champ de bataille à une autre époque aurions nous eu affaire à un héros ? Mais ici, cela ne fait aucun doute, il s'agit d'un vrai salaud.
Les dessins sont toujours aussi bons et le scénario sait nous tenir en haleine. Même si l'on connait l'histoire, le dernier volume est fortement attendu.