C
e dernier volume du volet consacré à la génération "de cujus" répond à une question posée à l'ouverture de Hugo et Iris : comment deux jeunes enfants se retrouvent passés sous le rasoir national à cause de leurs yeux. Le Regard de la Veuve se positionne en pleine Terreur. Louise, l'épouse délaissée, se mortifie à l'idée de ne pas pouvoir rejoindre les émigrés alors que Maxime trace son chemin d'égoïste opportuniste à proximité de Robespierre. Josepha, la sœur martyre, trouve sa voie d'héroïne féministe révolutionnaire au côté de Théroigne de Méricourt. Mais le récit se concentre particulièrement à faire émerger deux personnalités contraires : l'ombre et la lumière, la noblesse et la veulerie. François, l'aîné des jumeaux, s'affirme contre son père, comme symbole d'une noblesse d'âme et de cœur, véritable chevalier à une époque où ces valeurs sont passées de mode. Face à lui, la jalouse Constance, qui, devenue adulte, est l'opposé de François : rongée par la haine et l'envie, elle est prête à toutes les compromissions et perversions pour obtenir celui qu'elle convoite depuis toujours.
L'univers des Sambre se base sur des passions irraisonnées, des amours tragiques et perverties où les innocents sont sacrifiés ou deviennent à leur tour des monstres. C'est effectivement le sort qui attend la douce Louise et ses enfants, une marche vers l'échafaud annoncée sur les quarts de couverture depuis le premier volume de la Guerre des Sambre. En toile de fond, la Révolution se joue dans ce qu'elle a de plus absurde, de plus passionnel et de plus tristement ridicule : la diabolisation de l'Ancien Régime, jusque dans les mots, les noms et les symboles, un extrémisme totalitaire poussé jusqu'à la caricature. Un climat fait de dénonciations, de haine, de bassesses, où le plus mauvais semble ressortir de chacun. Et c'est ainsi que Louise et François émergent de la fange avec leurs visages d'anges préraphaélites, aux couleurs pâles et pures qui tranchent avec le code noir et sang de la série.
La fin d'un cycle dans une pure tragédie, la quintessence de l'injustice et le triomphe des mauvais.
Cet album est bourré de défauts.
Mais que le résultat est fort, perturbant, émouvant, cruel et donne envie de relire toute la saga depuis le début !
Graphiquement, rien à dire.
Si tous les albums pouvaient être de cette qualité, nous n'aurions que des chefs d'oeuvre.
Bien sur, le scénario est tellement étoffé qu'il oblige à réduire, par moments, les cases au delà du raisonnable (pitié pour nos vieux yeux à la vue qui baisse...).
Mais que la folie "révolutionnaire" est bien rendue, sans caricature, mais avec la glaçante logique génocidaire des vainqueurs.
Enfin, on nous montre la révolution pour ce qu'elle a été, une boucherie et une passation de pouvoir entre ceux qui l'avaient déjà et ceux qui pensaient encore le détenir.
Le peuple aura été le cocu de l'Histoire, à qui les vainqueurs auront fait croire qu'ils étaient de la même origine et que leur vie allait changer.
Maxime est à l'image de ces nouveaux maitres, ignoble et sans dignité, jusqu'à jouir au moment même où sa famille se meurt.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu histoire aussi forte, album aussi réussi.
Bravo aux auteurs de cette saga dramatique.
Pour rassurer tout le monde, cet ultime (et épais) volume est probablement l'un des meilleurs de la Guerre des Sambre. Non qu'il soit parfait, les graphismes très inégaux sur l'ensemble des 80 pages (un double album...) n'étant pas toujours à la hauteur de la qualité de Sambre. Il semble que les deux auteurs aient eu du mal à organiser cette histoire entre les trois albums et aient été contraints de grossir le dernier tome après un retard à l'allumage, les deux premiers volumes s'étant un peu trop étendus sur la jeunesse tourmentée de Maxime. Boidin qui avait remarquablement collé à l'esprit général de la saga sur le deuxième Cycle, donne une partition mi figue mi raisin, certains visages étant vraiment grossiers avec des effets de crayonné dont il a coutume mais qu'il avait abandonné sur Werner & Charlotte et qui ne collent pas avec la "ligne" Sambre. D'autres cases sont remarquables de composition, d'expression. Certains décors sont vraiment vides et plats quand d'autres sont très puissants d'évocation de la Terreur révolutionnaire... Personnellement j'ai le sentiment que Boidin a eu du mal à produire la quantité astronomique de cases demandées par un scénario extrêmement verbeux et découpé en petites images...
Si la partition graphique reste donc loin de ce qui a été fait sur les autres cycles, la conclusion dramatique de la série atteinte en revanche une maîtrise à la fois littéraire, thématique et passionnelle de très grande qualité. Ce qui m'avait lassé sur les deux premiers tomes c'était l'insistance un peu lourde sur le traitement fait à Maxime, le sadisme permanent, l'absence totale de lumière et de personnage positif auquel se raccrocher. Au commencement de ce troisième volume la situation est installée et l'on peut entrer dans le cœur du sujet (qui nous intéresse): la période révolutionnaire et comment dans cette tourmente historique un orphelin issu d'une noblesse tardive va épouser la grande vague de l'Histoire et fabriquer la génération bourgeoise que nous connaissons dans la série mère. C'est donc bien le moment qui est passionnant et Yslaire fait le choix un peu perturbant d'utiliser la femme de haute lignée de Maxime comme narratrice, nous laissant tout au long du volume lire une description toute orientée (version noblesse revancharde) de la Révolution. L'auteur adopte t-il ce pointe de vue? Rien ne permet de le savoir mais si les abus de la Terreur peuvent être condamnés par tous, le point de vue pro-noblesse est sommes toutes assez perturbant. Il permet néanmoins de comprendre l'attitude d'anguille de Maxime, dont l'unique raison d'être est son ambition et sa propre survie. Nous l'avions déjà vu dans Hugo & Iris, ce personnage est très certainement le plus détestable de l'ensemble de la série! Yslaire ne permet absolument aucune compassion pour ce personnage, ce qui rend là encore la lecture à la fois complexe et éreintante. Et si Constance est la harpie manipulatrice présente dans chacun des albums Sambre, Etienne, le jeune et innocent fils de Maxime et Josepha, sa sœur, donnent une lueur de naïveté et d'idéalisme qui corrigent la noirceur du scénario.
L’œuvre de l'auteur belge atteint avec cet ouvrage, (je pense le plus ambigu) une ambition rarement vue en BD, comme pyramidion un peu bancal mais qui structure l'ensemble de la saga. En raccrochant Sambre au basculement révolutionnaire, il brise un peu la structure familiale qui organise ses récits mais s'appuie sur un bouleversement absolu, ressenti par chaque être au quotidien, pour hisser plus haut que jamais la saga des Sambre.
lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/07/le-regard-de-la-veuve
Avis pour l'ensemble de la trilogie (j'ai attendu la sortie du 3ème tome pour lire l'ensemble d'une traite).
Les dessins sont excellents, tout comme l'utilisation des couleurs.
Le scénario est (comme l'indique le sticker-pub du dernier opus) un véritable chaînon manquant / sanglant entre les séries "Guerre des Sambre" et la série "Sambre".
L'histoire est violente, choquante et immorale.
Yslaire découpe son triptyque entre la fin de l'Ancien Régime et la période révolutionnaire : la Terreur servant de toile de fond au dernier tome.
Excellente série.