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artin, vingt-et-quelques printemps, travaille dans une librairie tout en tentant d'écrire son premier roman. Mais sa vie privée est un peu trop mouvementée pour qu'il puisse réellement se concentrer : sa copine est insupportable, son coloc' ne supporte pas de voir son ex dans les bras d'un autre, les clients sont rares mais envahissants... Face à cette situation, deux choix s'offrent à lui : supporter tout ça, ou craquer.
La vie bohème des jeunes artistes qui tentent de percer leur trou est une manne pour les scénaristes qui, jetant un regard sur leur passé (lointain ou non...), montrent qu'être jeune, ce n'est pas forcément simple tous les jours. La particularité de Je ne t'aime pas mais... c'est son humour grinçant, et sa méchanceté jubilatoire. Malgré quelques difficultés pour se repérer entre les divers personnages au début de l'album, les aventures du groupe barcelonais fonctionnent évoquant un mélange de De mal en Pis et de L'auberge Espagnole. Fermin Solis a le trait frais et direct d'une jeune génération de dessinateurs, menés tambour battant par Michel Rabagliati et sa série Paul, une "école" qui emprunte beaucoup au dessin animé, mais aussi aux croquis dans les marges...
Au sein de "l'invasion ibère" des Editions de l'an 2, cet album participe à la reconnaissance par le public français d'une bande dessinée espagnole fort méconnue dans l'hexagone et qui, visiblement, gagne à être regardée de plus près. Ces derniers temps, dans le monde des bulles, les chaînes montagneuses ont cessé d'être des frontières, et c'est tant mieux !
On se croirait dans le film de l'auberge espagnole que j'avais bien aimé. Il y a un peu de cette idée à travers les portraits de ces personnages dont les histoires s'entrecroisent.
C'est franchement plaisant à lire. Le thème des relations amoureuses est repris par l'auteur avec humour et dérision. Je ne cache pas également qu'on est tout de même assez près de la sitcom.
Cependant, on pourra regretter quelques détails purement techniques mais qui ont tout de même leur importance. L'enchaînement d'une case à l'autre pose quelquefois problème car on passe du coq à l'âne. Je crois que l'auteur recherchait un rythme assez rapide pour son récit. Cela se fait au détriment d'une certaine cohésion et harmonie de l'ensemble.
Par ailleurs, ce récit s'achève de manière peu convaincante. On a droit à une tranche de vie et pas aux aboutissants, ce qui est un peu frustrant.
L'auteur Fermin Solis, un jeune auteur espagnol, est plutôt à l'aise dans ce genre d'histoire car cela sent le vécu. Il nous offre de nombreuses références qui nous parlent. Il n'hésite pas également à avoir un regard plutôt acerbe sur le monde des écrivains et même des auteurs de bd qu'il n'épargne pas. C'est plutôt courageux là ou d'autres peuvent y voir des attaques.
Je conseillerais donc la lecture mais pas forcément l'achat. On a droit à une chronique plutôt sympathique avec une narration vive et chaleureuse.