I
l y a la BD, il y a l’humour et il y a Édika. Pilier incontesté de Fluide Glacial depuis 1979, le fieffé gaillard y a développé un univers délirant unique dans lequel le bon goût et la distinction servent de fanaux pour guider les lecteurs à travers les monts et les rus de nos contrées. Surtout, n’essayez pas de deviner ce qu’il se passe ; telles des catcheuses dans une bassine de mousse au chocolat, immergez-vous et laissez-vous conduire par le dernier artiste libre du Neuvième Art (il y a des serviettes à gauche en sortant).
Loin des canons du genre, l’esprit d’Edika ne se base sur rien d’immédiatement concret. Pas de caricature, pas de propos acides ou d’attaques contre une mode de passage, toute son œuvre semble avoir été écrite de façon inconsciente, au fil de l’air. Dans un sens et en prenant en considération sa propension à l’expérimentation formelle, il est plus proche de Fred que de n’importe quel autre auteur (avec des nanas à gros nichons, faut pas déconner). La mécanique est simple : les récits ne sont que des accumulations d’incidents improbables qui finissent par s’écrouler sous leurs propres poids. À la fin, car il faut bien clôturer les histoires, Bronsky l’alter-ego ou le dessinateur en personne servent souvent de faire valoir pour des chutes ahurissantes. Il fallait y penser : pas de vrai début, ni de développement dramatique et une non-fin pour s’en sortir. Entre minimalisme et surréalisme vaguement coquin, l’ensemble fait immanquablement rire et pas qu’un peu : allez-y comprendre quelque chose.
Trente-six albums plus tard, les éditions Audie-Fluide Glacial ont décidé de marquer le coup et proposent un florilège des aventures de Clark Gaybeul et ses maîtres. Cerise sur le gâteau, ce sont ses confrères (Charles Berberian, Daniel Gossens, Guillaume Bouzard, etc.) qui se sont tapés le boulot de sélection et d’introduction. À lire sans modération, malgré son titre.
Attention !
Avant de déguster ce grand, cru veillez à avoir le matériel adéquat ! Un bon lit, une paire de binocles et quelques feuilles de sopalin (pour les moments les plus intenses) sont nécessaires pour déguster cette grande BD, à sa juste valeur.
Manipulez là avec précaution ! Les pages collant parfois un peu, veillez à les tourner sans les déchirer.
Dernier conseil avant de vous lancer ! Il faut trouver le bon moment ! S'il y a trop de monde autour de vous, vous pouvez opter pour les toilettes.
Puis, faites-vous plaisir ! Le grand-cru spécial Edika plait généralement aux garçons comme aux filles, de l'adolescence jusqu'à l'Ehpad.
Mâchouillez bien les pages, tout en les gardant longuement en bouche et sans oublier d'aspirer de l'air par votre trou du cul, et vous devriez sentir son petit-goût absurde...
Labellisé « Fluide glacial » et avec la désautorisation de la censure.
Indispensable pour qui n'a pas la collec' entière des 36 albums du Prodige d'Heliopolis, du Petit Prince du Caire, à qui il était grand temps de rendre un hommage appuyé. Si Geluck nous tanne en effet depuis des lustres avec son chat impassible et pénible, Edika a le mérite de la discrétion, et son Clark Gaybeul, bien plus expressif et rigolo, n'a rien à envier au belge. La poilade façon Edika, cousin d'Egypte des Marx Brothers, donne une idée de l'infini, qu'il en soit remercié.