S
ale temps pour les enfants d'El Raval. À Reykjavik, les coups sont froids et marquent les corps qu’aucun soleil ne vient réchauffer. Il est grand temps de songer à rentrer, mais avant, il est un contrat à honorer, un ami à sauver et un passé à solder.
Trompettiste des plus doués et cambrioleur de génie, Jazz promène sa désinvolture et une éthique basée sur l’amitié virile, l’amour des jolies femmes et le plaisir du beau geste… le tout enrobé d’une pointe d’anticonformisme pour les systèmes en place.
Sur Les Trois corbeaux, Raule n’épargne rien à Jazz et Teo, les met physiquement dans le rouge et les plonge dans des situations à la limite du crédible. Ainsi, subtilement, l'enfance new-yorkaise de Jazz se dévoile à la simple évocation de son nom au cours d’un passage à tabac musclé et donne à comprendre le pourquoi de certaines inimitiés familiales. De révélations en explications, le fil de l’histoire apparaît progressivement au sein d’une débauche d’adrénaline pour s’acheminer vers un final apaisé. Toutefois, ne s’en tenir qu’au scénario serait injuste pour le travail de Roger. Maîtriser parfaitement l’enchainement des séquences, privilégier l’angle juste ou savoir donner la vitesse adéquate à un mouvement apparaissent ici comme une évidence, mais trahissent un talent graphique peu commun. À cela s’ajoutent un toucher dans l’encrage, une intensité dans les noirs, qui rendent chaque planche reconnaissable entre mille et… la couleur nullement indispensable.
Fin de la parenthèse islandaise pour deux héros qui n’aspirent désormais plus qu’à revoir Barcelone, mais cela, c’est une autre histoire !
Dernier volume d'un second cycle se déroulant en Islande, Trois corbeaux s'ouvre alors que l'ami Théo a été capturé par des suprémacistes et sera très probablement tué dans les prochaines heures. L'album commence immédiatement après la fin du précédent et va voir Jazz se lancer à la recherche de son ami en même temps qu'il doit remplir la mission que les iraniens lui ont confié. Pas ou peu de mise en place dans ce dernier album qui voit les planches débouler à cent à l'heure avec une maestria de découpage et de trait totalement ahurissante! L'action chez Raul et Roger c'est rapide, brutal, rugueux. Héros complet, Jazz sait pirater autant que combattre à main nue ou au fusil.
Cet opus nous en apprend cependant encore un peu sur sa jeunesse aux Etats-Unis auprès d'un maître du cambriolage, même si j'ai été un peu déçu de ne pas assister à la formation proprement dite du prodige. Le passé se recoupera d'ailleurs avec le présent, la série liant toujours l'intime, le familial avec les affaires de corruption ou criminelles. Au-delà de héros a peu près invincibles, une des forces de la série est de proposer des galeries de gueules de truands, toutes aussi patibulaires, sadiques, perverses. Mais contrairement an premier cycle où les tueurs chauves mettaient fort à mal les talents de Jazz, ici le combat est plutôt une balade islandaise où malgré les séquences de combat extrêmement dynamiques, pas un instant l'inquiétude ne point sur le destin de notre héros. Ceci appuyé par un Deus Ex Machina pas forcément dérangeant mais sans doute un peu facile même s'il apporte une pointe de fantastique bien intrigante. De même, les quelques cases historiques (une première dans la série) illustrant des vikings nous font bien saliver quand à l'opportunité de trouver dans quelques années Roger dans une saga historique se rapprochant du travail de Ronan Toulhoat...
Étant donnée sa construction il est préférable de lire les précédents tomes du cycle islandais avant d'entamer ces Trois corbeaux, qui reste malgré tout un nouveau chef d’œuvre visuel. Si la trilogie barcelonaise est un cran au dessus, Jazz Maynard reste, quel que soit l'album, un incontournable de la BD que l'on relis aussitôt l'album terminé pour ausculter chaque case.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/25/les-trois-corbeaux
De l'action à l'état pur...
Jazz Maynard me fait un peu penser au personnage de Nicky Larson, du côté des voleurs : Jazz est le plus doué de sa génération, il ne se prend pas au sérieux et il est un séducteur...