A
près un séjour dans un camp de concentration, Pépé recouvre sa liberté. Il file à Barcelone retrouver son frère, lequel a malheureusement émigré au Brésil. Dans cette Espagne franquiste de l’après-guerre, tout le monde vit dans la pauvreté la plus crasse. Le héros fait de son mieux, il trouve et perd des petits boulots, s’amourache à quelques reprises et fraye avec des espions et des criminels nazis.
La trame narrative n’est pas vilaine ; le lecteur s’attache au protagoniste, à ses maladresses et à ses aventures. Il comprend que chacun sauve sa peau dans ce pays en crise, même si pour cela il devient un peu mesquin et dur avec son voisin. Mais il y a quelque chose qui ne va pas avec les dialogues qui manquent complètement de subtilité : « J’ai moi-même choisi les souris pour que vous vous sentiez à la maison », « Le menu comporte un demi-œuf au plat, une demi-sardine et une demi-pomme, il vous incombera d’y ajouter votre ver »… Et ça se poursuit tout au long. Le bédéphile a rapidement noté que l’auteur est en froid avec Franco et la misère dans laquelle il a plongé son peuple. Il est inutile de le répéter constamment, les péripéties des personnages étant suffisamment éloquentes.
Côté dessin, il y a de jolies choses. Les quartiers populaires de la métropole sont dépeints de belle façon et rehaussés par d’admirables couleurs à l’aquarelle. La contrariété ressentie avec le texte persiste cependant. Tout est gros : les acteurs surjouent la colère, l’amour ou la peur. Quand un disciple d’Adolf Hitler fait le salut, son corps s’arque si brusquement que ses pieds décollent de terre, quand la bonniche est amoureuse, elle tire la langue et elle a des x à la place des yeux. Et pourquoi diable les interprètes ont-ils tous une dentition si proéminente ?
Il y a un malaise avec cet album. Problème de traduction ? Humour trop espagnol pour être exporté ? À moins que la pierre d’achoppement soit ce désir de rendre hommage au Marx Brothers, évoqué en quatrième de couverture. Groucho et ses complices étaient certes amusants à leur époque, mais qui aujourd’hui oserait réaliser de tels films ?
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