L
’heure est grave. Le tribunal de l’Olympe est réuni pour juger Apollon. Celui-ci a tenté de tuer Zeus, son père. Mais le roi des Dieux n’a pas seulement soif de vengeance, il veut aussi savoir et comprendre. Connaître les motivations de son fils, les complicités dont il aurait pu bénéficier et les causes d’un brusque changement de comportement. Alors il fait appel à l’Oracle, Homère le conteur, qui a le pouvoir de vision. L’artiste comparait ainsi devant l’assemblée des divinités, sommé de témoigner et de raconter ce qu’il voit. Ses révélations vont bouleverser la famille divine, au sein de laquelle dominent rivalités, rancœurs et autres désamours.
Lorsqu’une série atteint son dixième tome, c’est qu’elle a rencontré son public et que le nombre de fidèles est conséquent. Ceux d’Oracle ne seront pas déçus, tant le souci de s’inscrire dans la continuité des neuf histoires précédentes est prégnant. Le scénario est confié à Sylvain Cordurié, déjà responsable du sixième volume, Le Supplicié ([url]https://www.bdgest.com/chronique-6884-BD-Oracle-Le-Supplicie.html[/url]), auteur bien connu pour ses travaux dans l’excellente collection 1800 des éditions Soleil. Dans le respect de la mythologie grecque antique et des attributs de chacun des personnages, il propose une intrigue, non dénuée de suspens, qui se lit aisément. La mise en scène est parfois trop statique (l’exposition sur le mont Olympe) et les dialogues souffrent, par endroit, d'une tendance au bavardage (quelques phylactères auraient pu être resserrés), mais c’est peu de chose au regard d’une narration au cahier des charges contraint.
Le dessin, quant à lui, est l’ouvrage de Bojan Vukic (qui est intervenu précédemment sur des épisodes de Ils ont fait l’histoire, Elfes ou de la précitée collection 1800). De facture classique et mainstream, son style s’inspire nettement de l’esthétique super-héros d’outre-Atlantique, que ce soit pour les corps sculptés ou dans le découpage des planches. Son trait est solide et expressif. Les physionomies de ces personnages peu ordinaires auraient cependant pu être moins conventionnelles.
Avec Le Déchu, le lecteur éprouve à nouveau le potentiel narratif représenté par ces dieux, demi-dieux ou mortels de la tradition antique, transmis, entre autres, par les fondateurs Iliade et Odyssée. La quête de pouvoir, les trahisons ou la manipulation des masses sont des thématiques intemporelles et encore tristement d’actualité.
Enfin, on arrive au bout du chemin. Avec Cordurié, on ne sait jamais trop à quoi s'attendre. Son 6e tome avait été pas mal, et heureusement, ici c'est encore mieux!
C'est la culmination de 10 albums, dont chaque histoire est indépendante, mais qui contient un fil conducteur en la personne d'Homère, qui écoute ou qui raconte. Il faut dire que le concept de ce dixième album est un peu tiré par les cheveux, même s'il n'est pas désagréable. D'ailleurs, l'album nous renvoie sans cesse vers des albums précédents. Et une fois (on parle des éditions Soleil, quand même), on nous renvoie même vers le mauvais album!! (Cydippe est tombée dans le tome 9, pas dans le tome 8.)
Quoi qu'il en soit, l'histoire se concentre cette fois sur Apollon, cet éternel rebelle. Enchaîné au tribunal des dieux, Homère doit visiter le passé grâce à ses visions et comprendre pourquoi Apollon est devenu bon. Le concile des dieux est intéressant, puisqu'il permet de découvrir la personnalité des dieux sous un autre angle. Cette histoire à rebours fonctionne très bien et se termine en apothéose, même si la résolution est trop facile. Il faut dire que le dessin de Vukić est aussi l'un des meilleurs que la série a vu.
Top 3 :
1. Le Malformé
2. Le Déchu
3. La Louve
Et malgré tout, ces trois albums, même s'ils sont plutôt bons, ne sont pas des chefs-d’œuvre à tout casser non plus. Peut-on lire les albums indépendamment les uns des autres? Absolument. Il va manquer certaines bribes d'informations, mais au bout du compte, ça importe peu. Une série qui, selon moi, aurait pu être bien meilleure si les scénarios avaient été mieux construits. Tant pis.