Énigmatique, Ut s’inscrit dans la lignée de ces séries qui ne laissent pas indifférent et pourrait - pour peu que le hasard y pourvoie - devenir culte pour d’aucuns.
Cela a déjà été dit, mais Histéria entérine définitivement le fait, Corrado Roi fait preuve d’une maîtrise du noir et blanc qui frôle la perfection. La technicité chirurgicale de son trait et la charge émotionnelle qui s'en dégage, entraînent de concert le lecteur vers des horizons aussi déconcertants qu’inusités. Il serait prétentieux de parler d’Art mais, par certains aspects, nombre de planches tutoient le concept.
Cependant, comment ne pas être réducteur ou caricatural avec ce pavé de plus de six cents pages. Plus que des mots, ce sont des impressions confuses qui subsistent, ainsi que le vague sentiment d’avoir fortuitement compris l’essentiel. Ut est un cauchemar où le primal l’emporte sur la raison. Là réside peut-être sa magie, car si le fil rouge demeure mystérieux, il faut reconnaître cependant qu’un semblant de récit prend corps dans les ruelles d’une ville fantomatique ou à l’intérieur d’une maison utérine. Toutefois, savoir où Paola Barbato souhaite nous conduire relève de la pure spéculation. Manifestement, Corrado Roi y a mis du sien, mais il est évident aussi, connaissant l’importance que la scénariste italienne accorde à la psychologie chaotique de ses personnages dans ses romans, qu’il faille essayer de rechercher - dans cet univers "lovecraftien" - quelles allégories.
Triptyque à l’esthétique troublante et à l’ambiguïté singulière Ut est indéniablement l'une des révélations de l'année.
Rien à dire de mieux ni de plus que S. Salin n’a écrit dans son excellente chronique.
"Histeria" conclut un triptyque aussi original que magistral en y apportant enfin la cohérence attendue.
Certes, il manque encore beaucoup de réponses pour comprendre ce scenario abstrus, mais comme dans un bon David Lynch, la narration instille juste ce qu’il faut d’informations pour que l’imagination complète les espaces laissés volontairement vacants…
Je confirme que les dessins de C. Roi sont proches de la perfection et font de chaque planche un chef-d’œuvre. Un telle maîtrise du noir et blanc est rarissime et tient du génie !
Cela ne suffira pas à faire de "Ut" une BD grand public, c’est trop sombre et trop bizarre pour cela ; elle sera donc probablement condamnée à demeurer une œuvre confidentielle mais, à mes yeux, définitivement culte !