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ierre Loutrel dit « Pierrot le fou » (1916 – 1946), braqueur et assassin sans remords, est le premier criminel a avoir été qualifié d'ennemi public en France. Avant de devenir le chef du célèbre Gang des Tractions et de connaître une fin tragique et prématurée, il aura mené une vie marquée par le grand banditisme et la violence gratuite. Malgré l’image romantique que la patine des temps a donnée à ces personnages interlopes parlant un argot poétique et au sens de l’honneur inoxydable, c’était bien à des malfaiteurs dangereux à qui toutes les polices de l'Hexagone avaient affaire.
Pour raconter cette sulfureuse existence, Rodolphe et Gaël Séjourné ont choisi une approche ultra-classique. Alors que le « héros » est à l’agonie après un ultime casse qui a mal tourné, le scénariste enchâsse une multitude de retours en arrière narrant des épisodes-clefs de cette vie au service du crime ; les fugues de l’enfance, un court passage dans la marine avant d’être incorporé au sein des bataillons d'infanterie légère d'Afrique (les Bat Taf’ de triste mémoire) et, toujours, cette propension pour la brutalité et l’argent facile. Lecture presque édifiante et, avouons-le, fascinante, l’album est littéralement porté par son sujet. Le co-auteur d’Amazonie reste peut-être un peu trop dans les clous d’un académisme de bon ton, mais il le fait parfaitement.
Graphiquement, ici aussi, une certaine forme de conformisme règne en maître. Le trait réaliste de Séjourné est en place, la mise en page est aérée et agréable à suivre. Des calandres des Citroën aux boutons des vestons, tous les détails sont impeccablement documentés et reconstitués. Les couleurs très équilibrées de Jean Verney emballent le tout d’une manière on ne peut plus efficace, que l’action se passe sous le soleil brûlant de la Tunisie ou sur le pavé humide de Paris.
Biographie solidement réalisée, À la vie et à la mort ne bouleverse pas les codes de la BD. Un récit « à l’ancienne » bien boulonné qui devrait séduire tous les amateurs d’Histoire et de voyous forts en gueule.
Le sujet est sacrément romanesque et l'évocation en bande dessinée est réussie sur ce point et sur les autres aussi. J'ai trouvé le scénario de Rodolphe équilibré et bien plus inspiré que dans ses autres séries. Les dialogues notamment sonnent bien, ils sont sans fausse note.
A mon goût, la grande réussite de ce premier album, ce sont les dessins de Gaël Séjourné (et la mise en couleurs au diapason de Jean Verney) qui incarnent terriblement bien les lieux et les Hommes. C'est un très beau travail graphique qui mériterait un plus grand écho.
L'ensemble sonne juste et constitue une introduction pleine de brio à une série de grande qualité. C'est classique, soigné et chaudement recommandé par l'homme de goût que je suis.
note: 3,5/5
Un graphisme très agréable servi par des dessins de Séjourné toujours très inspiré. Le scénario de Rodolphe est bien mené avec des Flash-back qui nous aident à comprendre la personnalité ambiguë de Pierre Loutrel dit Pierrot le fou.
Je lisais récemment une interview de Rodolphe dans laquelle celui-ci expliquait qu’il avait deux genres de lecteurs, ceux qui préféraient ses scénarios de SF et d’autres qui avaient plutôt un penchant pour les policiers. Ces deux populations avaient la tendance à apprécier un seul de ces genres. Qu’il se rassure, certains, dont je suis, aiment tous les styles auxquels il touche. Je trouve qu’il fait partie de ces scénaristes à l’inspiration souvent efficace.
Pour en revenir au Pierrot, sa vie son œuvre (malsaine), il s’agit d’un personnage capable des actes les plus dingues. Pendant la deuxième guerre mondiale, il se servira tour à tour de la gestapo et de la résistance pour racketter et dévaliser. Il est sans foi ni loi mais a une sorte de code d’honneur envers ses amis. Il possède un caractère bien trempé comme dans le désert tunisien (pages 26 à 28) où il se bat contre plus fort que lui sans rien lâcher, un peu comme le personnage de Paul Newman dans « Luke la main froide ».
Pour résumer, il s’agit d’une bonne BD, retraçant l’histoire d’un pas grand-chose et qui n’édulcore en rien les faits et gestes de ce premier ennemi public.
le genre d'album qui se laisse lire d'une traite au travers d'un scénario certes classique mais bien mené. Le recours au flash back permet un dynamisme que n'autoriserait pas une biographie au fil du temps. Gaël Séjourné, de son côté, rend une copie réaliste, bien documentée : les lecteurs "sudistes" reconnaîtront les lieux tels le Vieux Port ou un bout du quartier du Panier. Les ambiances sont bien rendues, rehaussées par une mise en couleur de qualité due à Jean Verney.
Je lirai avec intérêt le T2 en espérant que sa qualité soit identique à celui-là