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uf, les filles sont parties, voilà un peu de calme pour Ernesto. Fumer une petite cigarette, trainer en robe de chambre et...dring ! Finie la tranquillité, c'est Tomas qui vient le chercher pour l'apéro car il est déjà onze heure et demi. Un tour dans la boite de conserve sur roues et même pas le temps de s'en jeter un derrière la cravate qu'un malaise fait tomber l'octogénaire dans les vapes. Comme un avertissement, la tocante en sursis lui fait savoir que s'il veut revoir son Espagne, c'est maintenant ou jamais. C'est parti pour un road-trip qui démarre de Tours...et s'arrête au bout d'une centaine de kilomètres à cause d'une panne. Mais finalement, Ernesto n'aura pas aller bien loin car ses différentes rencontres seront les catalyseurs pour raviver les souvenirs. Il y a quarante ans, l'exil, Franco... et Lucia.
Bien souvent, un auteur utilise les retours en arrière pour relater un fait historique et déroule les scènes. Ici, Marion Duclos (Victor et Clint) procède d'une façon originale : pas d'épisodes de jeunesse ni d'image d'antan, tout est basé sur les dialogues, les évocations entre des protagonistes au passé commun. Si l'impact du traumatisme reste tout aussi puissant pour le lecteur, le ressenti est moins lourd, moins plombé. Les événements personnels et intimes se mêlent à l'Histoire dans les débats passionnés, autour d'une table, dans une voiture ou dans des décors naturels. Aussi expressif dans ses non-dits qu'à travers ses rares mots, Ernesto est attachant et touchant, dans sa fragilité et sa pudeur. Ce voyage temporel plus que géographique agit comme une libération orale et psychologique qui réconciliera les générations. Un mal nécessaire, une catharsis rendue supportable grâce à la tendresse et l'humour de son entourage. En fin de volume, quelques pages documentaires étoffent le contexte.
Le graphisme moderne participe à la volonté de légèreté de l'artiste avec un trait fin pour un résultat épuré. Les couleurs acidulées soulignent pleinement la lumière grâce au fond blanc et font fuir toute impression de tristesse. La violence visuelle est absente ; à la place, de jolis paysages et des cases qui s'attardent sur les détails anodins, propices à une résurgence.
Au lieu de l'habituel traitement grave et sombre attendu pour un tel sujet, Ernesto propose une promenade agréablement nostalgique et dénuée de tout misérabilisme dans la mémoire d'un homme qui a finit par guérir de ses blessures, sans avoir honte de ses cicatrices.
L'histoire aurait surement fait un roman convenable mais ici l'alchimie ne prend pas. La faute à un scénario sans aucun rebondissement et à des personnages trop plats mais surtout aux dessins moches, mal cadrés et mal coloriés.
Une déception.
1/10.