A
u milieu des années 1980, le rideau de fer est en apparence toujours solide. À l’Est, Aleskeï Pajitnov, informaticien à l’Académie des sciences d’URSS est passionné par le divertissement. Après de longs tâtonnements, il crée Tetris, une application électronique rudimentaire qu’il transmet par disquette à ses amis qui à leur tour la donnent à leurs amis. En quelques semaines, tout Moscou joue à ce puzzle. Japonais et Américains flairent la bonne affaire. Les industriels se partagent la planète, des versions sont conçues pour les arcades, les ordinateurs personnels et bientôt les consoles. D’abord dépassés par les questions mercantiles, les Soviétiques apprennent très vite. Le casse-tête réussit sa conquête du monde et s’affirme comme une icône de la culture populaire du vingtième siècle.
Comme un élève bien appliqué, l’auteur inscrit son propos dans l’Histoire. Et il y va à fond. Fondamentalement, l’origine du loisir se lirait sur les parois des grottes ornées. Rien de moins. Ce n’est probablement pas faux, mais remonter si loin en amont apporte-t-il vraiment quelque chose à ce récit? En fait, il faut attendre la page 66 pour rencontrer le créateur, découvrir sa fascination pour le fonctionnement de l’esprit humain et pour la chose ludique. Le véritable objet de l’album est cependant de démystifier les tractations qui ont accompagné la commercialisation de ce jeu. Et Box Brown connaît son sujet. Le lecteur finit néanmoins par s’y perdre entre les différentes entreprises, les liens qui les unissent, les rivalités qui les opposent, les droits d’auteur respectés ou pas, les ventes et les vols de licence, les contrats et les trahisons. Il en retient tout de même que les enjeux s’avèrent énormes pour tous, sauf pour le petit programmeur anonyme qui a développé un passe-temps pour faire plaisir à ses copains.
L’ouvrage a un objectif didactique et l'iconographie va dans ce sens. Le dessin est simple, voire simpliste, et il est vain d’y chercher un second degré. Cela dit, il n’est pas inutile. Au fil des cases, il permet, par exemple, d’illustrer les parties du cerveau qui expliquent la dépendance ou de démontrer la complexité d’un montage commercial et financier. La plupart des illustrations sont malheureusement basiques : innombrables poignées de main pour sceller des accords, nombreux avions en vol évoquant des déplacements ou encore un gros plan sur un cendrier rempli de mégots indiquant l’acharnement et le temps qui passe. Bref, fort peu d’originalité graphique.
Un grand reportage sur un conflit autour d’un gadget russe invitant à construire un mur alors que ceux de la guerre froide se fissurent.
Poster un avis sur cet album