La piste cavalière

L a tension est forte en Algérie en 1957. Un grand-père raconte à sa petite-fille Rose-Mai comment, par miracle, un magnifique animal lui a sauvé la vie ce jour-là. Le souvenir est soudainement interrompu par le klaxon du camion de Betty, la partenaire de la jolie métisse. Car, ce n'est pas tout ça mais il va falloir se mettre en route ! Après un bref passage chez des amis pour récupérer un tractopelle, les voilà parties plein sud en direction de Gressan où un travail bien rémunéré les attend : le traçage d'une piste pour les chevaux, en vue d'une compétition. Entre les difficultés du terrain et la propriétaire anglaise qui leur bat froid, les deux jeunes femmes auront fort à faire pour prouver leur valeur.

Dans cette histoire contemporaine, le conteur Michel Faure oppose et mêle traditions à ouverture d'esprit, générosité et mesquinerie. En toile de fond, la passion des chevaux. Après une introduction avenante qui présente les personnages et met en place le sujet, le fil conducteur emmène le lecteur sur le lieu de l'action, pittoresque. Son duo d'héroïnes, s'il n'écorne pas les clichés, est vraiment attachant par son authenticité. Leur complicité et leurs coups de gueule émaillent agréablement le récit. Le caractère bien trempé et le flegme de Betty sont particulièrement propices à des réparties piquantes qui font naître le sourire. Au petit trot, les rebondissements rythment le scénario qui se termine en finish faisant se rejoindre le passé et le présent : la boucle est bouclée ! Intelligence et sensibilité, sans oublier une pointe d'humour et une touche de sensualité, Michel Faure sait dépeindre l'humanité en s’abstenant de tout manichéisme réducteur. Il décrit des êtres dans leur bonté comme dans leur défauts, leurs forces comme leurs faiblesses.

Exercice délicat que le dessin chevalin, mais l’artiste y excelle (démonstration dans Camargue rouge). Son style réaliste très travaillé en couleurs directes donne du corps et de la matière aux paysages comme aux silhouettes, soutenu par une harmonie de tons chauds et chatoyants, parfois un peu trop soutenus objecteront certains, mais qui assurément illuminent cet album. Dans ces conditions, l'immersion est aisée.

La piste cavalière se révèle être un cocktail étonnant et réussi, concrétisé dans un one-shot qui respire la liberté et la tolérance sous toute ses formes, sans la lourdeur ou le coté moralisateur d'un pamphlet, le tout illustré par un graphisme racé de grande qualité.