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ne grande demeure, nichée dans un écrin de verdure où rien ne détone. Mais, à qui appartient cette silhouette masquée qui, d'un bond et quelques pas, s'introduit en toute quiétude dans la riche propriété privée et… tombe sur un couple en pleins ébats ? Bandette, la célèbre cambrioleuse ! Qu’a cela ne tienne, les miniatures de Rembrandt prestement dérobées, elle enfourche son deux-roues et, cape au vent, défie ses poursuivants dans des rues bondées. Si la virevoltante adolescente vole de ses propres ailes, elle possède néanmoins tout un réseau d'acolytes, ses «oursins» qui, à coups d'improvisation et avec beaucoup d'aplomb, bloquent les poursuivants. Presto ! Encore un succès. Cependant, pas le temps de souffler, l'inspecteur Belgique, toujours aussi ronchon, l'appelle à l'aide sur une autre affaire : c'est reparti !
Fan de la bande dessinée franco-belge, Paul Tobin s'en inspire et lui rend hommage de façon flagrante et assumée avec son héroïne au look de Fantômette et dotée du pouvoir de séduction d'Arsène Lupin. Cette jeune voleuse au palmarès impressionnant agit sans peur et sans reproche, balayant heurts et anicroches avec panache. La liberté, l'insouciance, la malice et l'audace, autant de traits qui la caractérisent et qui pourraient à la longue se retourner contre elle. Trop facile ! Pas crédible ! Pourriez-vous clamer. Peut-être... Le but affiché est de vibrer, s'amuser et sourire aux bons mots malheureusement tombés en désuétude (ah ! ces «sapristi», «pardi» et autres «plait-il ?»). Adepte du challenge et amatrice d'Art, elle traite ses rivaux plutôt comme des concurrents ou des collègues et n'hésite pas à s'associer s'il le faut, mettant en valeur le précepte "l'ennemi de mon ennemi est mon ami" car, si tout le début de l'histoire reste relativement bon enfant, les dernières pages présagent qu'un adversaire d'une autre envergure et à la morale douteuse ne badinera pas avec sa cour. L'action prends place dans un Paris au charme rétro mais à la technologie actuelle où les références abondent.
Alliant la technique traditionnelle à l'informatique, Colleen Coover livre un graphisme caricatural épuré. Son trait spontané d'épaisseur variable s'exprime avec élégance et un rendu très vivant qui fait ressembler les scènes de combat à des chorégraphies. La palette de couleurs volontairement limitée dans les arrière-plans donne un aspect joliment suranné et met en valeur les protagonistes, plus éclatants. Pour l'anecdote, de nombreux bonus terminent l'ouvrage, comme quelques courts récits centrés sur les oursins, exécutés par différents dessinateurs.
Série tout public respirant la bonne humeur et la fraîcheur, Bandette détonne dans la noirceur habituelle exhalée par les comics. Si ce premier tome ne pose pas véritablement d'enjeux, il procure en revanche une bonne dose d'amusement et de plaisir, grâce à une justicière très moderne dans un monde de dupes. Cependant, des face-à-face nettement plus sérieux et grinçants s'annoncent. La comédie virerait-elle à la tragédie ?
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