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on ! Il ne s’agit pas d’un répertoire des spectacles alternatifs du festival d’Avignon ou de Broadway. Le « off » en question est celui des petites indiscrétions que les hommes politiques aiment glisser à quelques reporters judicieusement sélectionnés ; des exclusivités, des précisions sur les messages à véhiculer ou des attaques vachardes à propos d’élus qu’on aimerait bien voir trébucher. Cette spécialité française permet de remplir les gazettes et les émissions d’informations, pour le plus grand plaisir des électeurs-spectateurs.
Observateurs chevronnés des coulisses de la chose politique, Frédéric Gershel et Renaud de Saint-Cricq reviennent sur la dernière campagne présidentielle et dressent une chronologie circonstanciée celle-ci, des primaires de la gauche et de la droite au résultat final du 22 avril 2017. Journalistes avant d’être scénaristes, les deux hommes se contentent de relater ces faits tout récents, sans apporter, malheureusement, un quelconque regard dramatique ou ne serait-ce qu'un éclairage neuf. Tout au long des cent et quelques pages de l’ouvrage, le lecteur revit simplement les épisodes marquants de cette joute pour le pouvoir : les erreurs de celui-ci, les approximations de celle-là, le bon coup de com’ de cet autre, tout y passe et des meilleures. Pourquoi pas, spécialement si vous avez passé la dernière année au fin fond de l’Amazonie ou sur Pluton.
Visuellement, là aussi, pas grand-chose à se mettre sous les yeux. James aligne les caricatures plus ou moins ressemblantes à longueur de planches. De plus, le format réduit et les logorrhées infinies des candidats empêchent toutes tentatives de mise en scène quelque peu ambitieuse. Tels les costumes bleus profonds, le gaufrier est de rigueur et le découpage sévère.
Rappelant des événements encore frais dans les mémoires et manquant drastiquement d’originalité ou de tranchant, Le journal du off ressemble beaucoup plus à une tentative de coup éditorial qu’à une œuvre vraiment pensée. Sur le même sujet, Mathieu Sapin (Campagne présidentielle) ou, récemment, Robin Reicht et Mathieu Angotti (Désintégration) s’étaient montrés nettement plus convaincants.
Le journal du off va ravir ceux qui aiment la politique puisqu’il s’agit de retracer tout ce qui s’est passé lors de la dernière campagne des présidentielles en France sur la période août 2016 - mai 2017. C’est encore tout récent et assez frais dans nos esprits. Cela ne sera sans doute plus le cas dans quelques années. Il faut savoir que les auteurs se sont basés sur les faits et les phrases réellement prononcées par les différents hommes politiques que cela soit en off ou dans les différents médias. La part de fiction ne concerne que le journaliste qui couvre la campagne électorale. La bave d’Alain Juppé dans le débat était bien réelle.
Avec le recul, on se rend bien compte de l’énormité de certaines petites phrases prononcées dans les coulisses. Je me suis bien marré lorsque j’ai entendu le président Hollande qui indiquait que Bayrou était l’homme dangereux de cette élection à la fin de l’été 2016. Nul ne pouvait prédire les multiples retournements de cette élection qui sera certainement dans les annales. Des personnages se sont révélés et d’autres se sont littéralement écroulés.
La matière est là et on ne s’ennuiera pas bien au contraire. Pour le dessin, il est de celui que j’apprécie. Cependant, j’ai eu du mal à reconnaître la figure de certains hommes politiques comme François Baroin par exemple. D’autres figures sont un peu moins présentes malgré le rôle joué dans la campagne: on n’a pas parlé de l’hologramme de Jean-Luc Mélenchon par exemple. Certains faits sont ignorés également. Il est vrai que ceux qui ont suivi attentivement cette campagne n’apprendront rien de véritablement neuf. Cependant, je trouve que le format bd est bien adapté à ces off avec une lecture très agréable ponctuée de beaucoup d’humour.
A recommander à ceux qui s’intéressent à la politique et ses coulisses. C’est forcément féroce et savoureux s’agissant de nos hommes politiques bien aimés quelques soit le bord.
Petit bonus : qui imagine le Général de Gaulle mis en examen ? Je ne sais pas : il faudrait sans doute balayer devant sa porte.