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D ès sa parution en 1899, Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad décontenança le lectorat. Cette longue nouvelle mettait en scène une Afrique trouble, peuplée des personnages, autant les Blancs que les Noirs, ambigus et peu recommandables. Brûlot anticolonialiste pour les uns, œuvre aux relents de racisme pour les autres, cette fine et étrange étude psychologique est devenue depuis un classique de la littérature anglo-saxonne. Le texte a également inspiré de nombreuses adaptations cinématographiques comme les célébrés Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog ou Apocalyspe Now de Francis Ford Coppola. Xavier Coste et Olivier Cotte « s’attaquent » à leur tour au délicat travail de retranscription et de modernisation avec Le lendemain du monde.

Situé dans un futur proche alors qu’un virus informatique a rendu impossible l’utilisation de l’électricité, l’album rejoue la trajectoire fluviale de Charles Marlow renommé James Graham Keran à cette occasion. Celui-ci s’embarque à la recherche de la source supposée de la catastrophe qui paralyse la planète : Allan Trickster, le codeur à l’origine du programme criminel. La rumeur raconte que ce dernier vivrait dans une cité perdue au fin fond du Continent noir. Pour atteindre son but, l’ancien soldat, dont la mission est clairement d’éliminer cet individu et ses serveurs, va devoir traverser des territoires anarchiques, tenter de survivre au milieu de populations fanatisées et échapper à des agents concurrents.

Le scénario d’Olivier Cotte met les peurs engendrées par la généralisation des intelligences artificielles au centre du débat. L’humanité est-elle assez solide pour embrasser les progrès technologiques sans perdre son âme ? Et, d’ailleurs, en quoi l’humanité est « humaine » en fin de compte ? Entre mini-discussions éthiques et scènes chocs fantasmagoriques, le héros remonte un fleuve aux eaux poisseuses et méphitiques. L’atmosphère pesante du texte original est impeccablement reprise et la traversée n’offre que peu d’espoir à ses habitants. Même si les échanges philosophiques tournent parfois courts, l’ouvrage se montre à la hauteur de son sujet. Intelligemment construit et d’une grande cohésion, le récit en impose.

Pour rendre cette épopée implacable, Xavier Coste sort le grand jeu. Le trait acéré et réaliste passe à un expressionnisme inquiétant dès que la nuit tombe et glisse même dans l’abstraction quand l’esprit capitule, écrasé par des forces inconnues. Heureusement, le résultat reste d’une parfaite clarté. En effet, le dessinateur ne s’égare jamais dans des métaphores graphiques trop audacieuses. Les planches collent à la narration et, après le cauchemar, la navigation reprend, la barre fermement fixée vers sa destination. Les amateurs des travaux d’Enki Bilal (période Animal’z/La couleur de l’air) et de ceux de Mathieu Bablet (Shangri-La) devraient se retrouver dans ces pages.

Quête initiatique, fable spéculative et véritable thriller d’aventure en même temps, Le lendemain du monde est une réussite et n’a en rien à rougir face aux précédentes relectures du roman de Conrad.

Par A. Perroud
Moyenne des chroniqueurs
6.5

Informations sur l'album

Le lendemain du monde

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Note: 3.4/5 (16 votes)

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 13/12/2020 à 10:48:10

    Il y a des bds qui sont certainement bonne sur un plan objectif mais dont c’est moi seul qui n’adhère pas. Là, je me suis royalement ennuyé malgré un pitch de départ assez intéressant sur l’évolution du monde face aux intelligences artificielles. Là, on ne les verra pas.

    En effet, on évolue dans le cadre d’une aventure dans un dirigeable puis dans une jungle africaine. Le graphisme a été pour moi épouvantable ce qui n’a pas rendu accessible cette lecture. Le récit se perd véritablement dans des méandres aux contours assez floues. Certaines scènes comme celle du dirigeable où notre héros perd pied est totalement affligeante.

    L'originalité se situe dans le fait qu'on s'attendait à sans doute autre chose d'un récit post-apocalyptique. C'est une vision tout autre qui surprendra ou pas. Ce n'est pas facile à suivre. Le lecteur est par conséquent averti.

    Cellophane Le 08/04/2018 à 18:40:52

    Les dessins sont très beaux. On dirait presque des tableaux, ils sont vivants, colorés selon le moment de l’histoire, l’ambiance.
    Mais j’ai eu énormément de mal avec cette histoire. Aussi tranquille que le cheminement du bateau sur la rivière, elle avance très tranquillement.

    J’ai vu le film Aguirre qui m’a bien plus interpellé parce que le comédien avait une énergie rageuse et folle qui m’hypnotisait.

    Là, le côté pépère bonhomme du héros ne m’a pas emballé et j’ai eu du mal à m’intéresser à ces IA, à comprendre leur but ou danger.

    Je ne suis hélas pas entré pleinement dans ce monde décalé et futuriste, pourtant assez réussi, mais qui m’aura été hermétique.