« Allô chérie ?
Je me sens un peu malade… Du coup, je pense rester au travail deux-trois jours. »
Le bureau est un univers familier pour la plupart des lecteurs. La connivence étant facile à créer, une image et peu de mots suffisent pour mettre en lumière le mal-être qui ronge l’entreprise du XXIe siècle. Dans cet album, il est question de harcèlement sexuel, de suicide et d’abus de pouvoir. Les patrons congédient, les stagiaires en arrachent et les collègues médisent les uns sur les autres. Il ne s’agit pas vraiment d’une bande dessinée, mais plutôt d’une série de poilades qui tiennent généralement en un seule illustration.
Yann Rambaud a le sens du « punch ». Il rappelle en cela le « stand-up comic » : une phrase, un gag… Et ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle. Son regard est direct, cruel et désabusé. Le ton est certes caricatural et le propos exagéré, il n’en demeure pas moins qu’il est difficile de ne pas se reconnaître dans l’une ou l’autre (et probablement plusieurs) des situations dénoncées.
Le dessin est aussi noir que l’humour de l’auteur. Dans un milieu déshumanisant à une époque où le néolibéralisme fait figure de religion, l’artiste a pris le parti d’anonymiser les personnages. Les visages sont à peine esquissés ; tous se ressemblent : cravate et veston pour les hommes, tailleurs et escarpins pour les dames. Les décors sont également succincts, à peine quelques accessoires sont au rendez-vous (notamment l’incontournable photocopieur), mais rien pour distraire du propos. Ce choix est cependant aussi une des rares faiblesses de cet ouvrage qui se lit un peu rapidement.
Un coup d’œil acerbe et lucide sur le monde des bureaucrates. À mettre entre les mains de tout étudiant en gestion des ressources humaines.
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