L'homme de la mer

A nna n'est pas une perle et Monsieur Deok Hyun est renfermé comme une huître. Quel est le lien entre ces deux êtres qui ont tout pour ne pas s'entendre ? Simplement la passion de la plongée en apnée, l'apanage des «sirènes» de la Corée du sud. Cette pratique ancestrale perpétrée par les femmes de l'île Jeju s'est perdue dans les limbes de l'océan. Pourtant, une jeune fille désabusée va reprendre goût à l'existence grâce à l'enseignement du très taciturne Mr Moustache. Cet homme qui ne dit mot consent à lui donner des leçons sur cette profession, mais aussi sur sa philosophie de la vie.

Pour son premier manhwa, Jang Deok Hyun orchestre la rencontre d'un duo atypique, sur une partition au thème maritime. Anna est une fille un peu larguée qui, déception après déception, ne trouve réconfort que dans l'immersion dans l'immensité bleutée. Son sensei improvisé tente de panser ses propres plaies en lui montrant la bonne voie, une sorte de chemin de croix. Finalement pas si différents, ils se rejoignent dans leur solitude et leur passion mutuelle, la collecte de coquillages. Leurs échanges sont tour à tour drôles, mélancoliques, mordants et tendres. Les nombreux rôles secondaires (chat, voisins, pêcheurs, ex petit-ami, parents...) pimentent le récit et apportent de la légèreté à ce sujet lourd et sérieux qu'est le mal-être causé par les traumatismes du passé et à l'incertitude face à l'avenir.

Très éloigné des codes du pays voisin japonais, le style graphique de l'artiste rejoint celui de Yaro Abe et sa Cantine de minuit : un trait fin pour un rendu épuré. Les personnages sont assez caricaturés pour être expressifs mais sans déformations excessives. Les décors simples sont exempts d'encrage et sont mis en valeur par les couleurs douces (tons mauves, bleus et verts qui reflètent le moiré des vagues, de toute beauté).

Avec beaucoup de justesse et de poésie,L'homme de la mer expose deux beaux portraits qui se brossent par petites touches, deux générations qui ont du mal à trouver une même longueur d'ondes mais, avec quelques efforts, se rejoignent sur une station commune.