À Maruyama, Kicho offre sa beauté mélancolique à quiconque possède les moyens de se l’offrir…
Le Dernier Envol du papillon de la mangaka Kan Takahama dépeint l’existence d’une courtisane belle et cultivée aussi célèbre dans le port de Nagasaki qu’a pu l’être Veronica Franco à Venise. Mais alors que la curtigiana onesta choisissait des amants fortunés, la geisha accepte dans ses bras tous les hommes, mêmes les européens !
L’originalité de ce manga est de se situer dans un contexte historique et de s’y attacher d’une manière romanesque tout en gardant un souci de véracité. Aussi, Kicho apparaît-elle comme une passerelle jetée entre deux cultures. Cultivant celles des traditions à travers son art et la façon de faire commerce de son corps, elle n'hésite pas à fréquenter les marins de l’île de Dejima qui lui laissent entrevoir un Occident promoteur d’une modernité à laquelle l’Archipel résiste encore.
Si le scénario - qui manque singulièrement de rebondissements - joue sur la langueur des sentiments et permet de s’attarder sur le personnage principal, il en est de même pour le graphisme. Dessinée avec finesse et fluidité, la plastique de la jeune prostituée tranche avec le trait déployé pour croquer une gent masculine qui oscille entre la caricature et l’esquisse de moyenne qualité.
Le Dernier Envol du papillon séduit par la douceur de son héroïne et Kan Takahama a eu le tact de ne pas sombrer dans la facilité, mais est-ce suffisant pour susciter un souvenir persistant ?
Le dernier envol du papillon ne sera guère une lecture aisée. Il faut se laisser gagner petit à petit par ce récit d’une courtisane de luxe qui n’aura de cesse de vouloir à tout prix protéger sa famille du besoin. J’ai beaucoup aimé la fin où l’on perçoit de manière claire tout les non-dits. Il y aura bien sûr un prix à payer.
Au niveau graphique, il y a de la grâce dans la forme dans ce Japon de l’époque. Certes, la beauté de cette femme peut apparaître comme un peu glaciale. Cependant, il y a toute cette retenue japonaise que j’aime bien. Il y a une forme d’intelligence dans la mise en scène qu’on pourra apprécier.
A noter pour le contexte une période où le Japon semble s’ouvrir à l’occident alors qu’il y a encore tant de résistance dans la population très attaché au repli sur soi et non à l’ouverture sur le monde. Le contexte sociétal est également très bien reproduit.
Bref, j’ai été non seulement séduit mais touché par cette œuvre.