1980. A Torgny, deux nouveaux villageois défrayent la chronique. Mme Van Hoppen et son fils Blaise emménagent, et les langues vont bon train : qui est cette femme muette et sans homme? Et cet enfant renfermé, qui ne parle qu'aux oiseaux et à la petite Colette, que cache-t-il ?
2005. Blaise Van Hoppen dit "le Roitelet" sort de prison après avoir purgé une peine de 9 ans pour meurtre. De retour à Torgny, il se heurte à l'hostilité accrue des villageois qui ne veulent pas d'un assassin parmi eux. Mais a-t-il vraiment tué ?
Une fois de plus, Jean-Claude Servais emmène son lecteur dans le dédale des relations humaines, jamais simples et souvent violentes chez lui. Son scénario lent, mesuré, pèse planche après planche la haine des villageois et la passivité du Roitelet... pour faire entrer au plus profond de cette ambiance en huis clos qu'affectionne tout particulièrement l'auteur. A travers l'itinéraire de cet homme chassé de tous, Servais décortique non seulement une sortie de prison, mais surtout la tentative de vivre seul d'un nouveau héros qui n'a rien à envier à ceux des romans (A suivre).
Le dessin puissant, que des couleurs parfois trop convenues ne réussissent pas à altérer, plaira par son classicisme même, et par la multitude de détails qui n'accrochent pas forcément l'oeil au premier regard. L'assassin qui parle aux oiseaux est un album qui se relit tranquillement, en marge de la partie évidente du scénario, pour y trouver de ces petites choses qui font d'un album sympathique une oeuvre qu'on affectionne. Et c'est un élément de plus dans la cohérence de cet album qui, sans être aussi fort qu'un Tendre Violette, ne laisse pas indifférent.
Je ne suis pas un passionné de l'ornithologie mais je dois bien avouer que cette histoire n'est pas des plus déplaisantes même s'il y a des planches d'étude parfaitement documentées sur les oiseaux. C'est beau et dynamique à la fois avec des commentaires à mi-chemin entre le documentaire animalier et la poésie.
Je dois également reconnaître un très beau coup de crayon. C'est quasi-magnifique avec cette multitude de détails ! On a l'impression que le héros est en véritable harmonie avec la nature. Les scènes du passé sont teintés de jaunes ce qui permet une bonne compréhension de l'histoire. On sent que l'auteur a pu trouver une parfaite harmonie avec la nature qu'il apprécie tant.
Le scénario ne brille certes pas par son originalité avec un dénouement qui ne tiendra pas toutes ses promesses. Cependant, on appréciera d'autres qualités dans ce diptyque.
De toute façon, j'aime bien lorsqu'on dénonce l'esprit de clocher qui règne dans les villages. Les gens sont très souvent catalogués lorsqu’il présente une différence ou une sensibilité (ici à la nature à travers les oiseaux). On les rejette à tort. J’ai éprouvé beaucoup de peine pour ce héros ordinaire injustement accusé. Le poids des injustices pèse bien lourd.
Servais introduit des associations d'idées souvent trompeuses pour nous montrer toute l'obscurité de l'âme humaine. Une oeuvre sans doute sous-estimée dans l'impressionnant catalogue de l'auteur.
Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 3/5 - Note Globale: 3.5/5
Comme d'habitude (je vous renvoie à Mémoire des arbres, Lova), Servais nous offre des dessins d'une beauté et d'une qualité exceptionnelles, que ce soit dans la forêt ou dans le village. Le scénario est bien huilé et propage les sentiments des personnages avec une réelle efficacité. Autre richesse de cet album : les passionnés d'ornithologie se régaleront car en plus de reproduire les oiseaux sur le papiers avec talent, l'auteur s'est très bien documenté sur leurs caractéristiques. Juste un bémol qui déteint un petit peu mon avis sur cet album (et le suivant aussi) : ça se lit assez vite... Au final donc c'est un régal et j'en recommande l'achat pour le plaisir des yeux.