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igure emblématique et polémique de la « Nouvelle Bande Dessinée » chère à Hugues Dayez, Jean-Christophe Menu continue son petit bonhomme de chemin. En plus de ses Chroquettes dans Fluide Glacial et récemment en recueil chez Audie, il propose Krollebitches, souvenirs même pas en bande dessinée, un essai autobiographique dont il a, évidemment, assuré le design et les culs de lampe. Après La bande dessinée est son double, thèse universitaire sur le Neuvième Art dans laquelle il présente sa vision des petits miquets en puisant dans ses expériences d’éditeur et d’auteur, c’est vers son enfance que Menu s’est tourné. Il raconte comment sa passion est née, mais, également et surtout, il essaye de retrouver une part de la magie ressentie quand, pour la première fois, il a ouvert un album de Raymond Macherot.
Enfant solitaire venant d’une famille de militaire, le petit Jean-Christophe s’est très vite construit un solide monde de papier bien à lui. Grandissant à l’époque où les périodiques régnaient sur la BD, il découvre et dévore Spirou, Tintin, Pilote et autres Pif, alors à leurs apogées. Très rapidement et au grand dam de son père, il se met à amasser et classifier magazines et tomes divers. Curieux de tout, même s’il a ses préférences, il observe l’évolution des styles et les changements « d’équipe » de ses idoles. Le trait du Franquin de 1952 n’a rien à voir avec celui du début de années 70, alors comment se fait-il que ce dernier se retrouve au sommaire de Tintin avec ce nouveau personnage de Modeste ? À défaut de comprendre toutes ces subtilités, il enregistre et commence à se forger un embryon d’esprit critique.
Autre coïncidence temporelle, son adolescence correspond à l’apparition de la BD adulte. À peine remis du choc provoqué par Le Trombone Illustré, c’est L’Écho des Savanes, Fluide Glacial et Métal Hurlant qui arrivent sur le marché ! Et, attention les yeux et les neurones, Mœbius et Francis Masse entrent dans la danse ! Les choses deviennent alors vraiment sérieuses aux vues des possibilités narratives et formelles qui s’ouvrent à lui. En effet, parallèlement à cette trajectoire qui devrait parler à de nombreux bédéphiles, le futur co-créateur de L’Association s’était mis à imiter ses coqueluches comme il pouvait sous la forme de petits livres faits maison. Plus mature et à l’aube d’une future carrière, il était temps de se former pour de bon avant d’aller tenter sa chance dans les rédactions, mais ceci est une autre histoire.
Vif et rempli d’esprit, le texte se lit avec un double sourire aux lèvres. Un de connivence face aux réminiscences de l’émotion provoquée par la découverte d’une bande chérie et un autre plus moqueur ou interrogatif quand un Menu, alors âgé de huit ans, décrit ses doutes sur tel ou tel type de narration ou d’encrage. Au final, entières, sans concession, mais infiniment touchantes, ce Krollenbitches porte la marque d’un homme écorché, certain de son omniscience d’artiste. D’un autre côté, que ne ferions-nous pas pour défendre les dernières nouveautés de nos auteurs préférés ?
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