Saint-Barthélemy 2. Tuez-les tous !

L e tocsin résonne dans les rues de Paris, il est cinq heures en ce vingt-quatrième jour d'août 1572. Comme s'il n'attendait qu'un signal, le peuple catholique est lâché et se lance dans une véritable chasse meurtrière. Le prédicateur l'a bien précisé dans sa harangue enflammée : les Huguenots, ces mauvais chrétiens, salissent le nom du Créateur et du roi. Pas un ne doit échapper à la justice divine, pas un. En guise de purification, une exhortation au massacre, pour l'honneur d'un dieu pourtant commun. Aux premiers rayons du soleil, le jeune protestant Élie Sauveterre contemple horrifié le résultat de cette hécatombe, une boucherie qui n'a même pas épargné les enfants. Après s'être déguisé en soldat papiste, il entreprend de rejoindre le Louvre où se trouve cloîtré son roi, Henri de Navarre. Au cours de sa quête, il croisera le chemin de son frère Clément et de sa sœur Loïse, tout deux convertis à la religion adverse. Des retrouvailles pas forcément attendues, mais manifestement très tendues...

Le duo Pierre Boisserie et Eric Stalner (la croix de Cazenac) donne le ton dès l'ouverture de ce deuxième tome. : ça va être violent et brutal. L'illustration du fanatisme, la façon dont il naît est très bien amenée. L'escalade aberrante dans l'horreur est rapide, les scénaristes ne s'attardent pas dans une surenchère de scènes gratuites. Le mélange de faits historiques et de fiction allège l'aspect éminemment tragique de l'intrigue et ajoute une part de mystère bienvenue. Les manipulations et les manœuvres politiques se dévoilent, les revendications pour le pouvoir se renforcent. La psychologie de certains personnages s'étoffe, devenant plus complexes, mais des zones d'ombre persistent, pour la plus grande joie des lecteurs.

Éric Stalner, avec son dessin réaliste, octroie beaucoup de caractère et de justesse dans les expressions, les visages possèdent de vraies "gueules". La reconstitution des monuments de la capitale et les décors en général sont magnifiques. La mise en scène alterne plans de foule, vues rapprochées, angles de vue et jeu de perspectives pour dynamiser le récit et apporter une dimension de frénésie. Les couleurs naturelles instaurent l'ambiance dramatique qui va de pair avec le contexte. Le corbeau, cet oiseau dit impur et de mauvais augure, est récurent, comme un rappel sinistre et macabre des événements.

Avec savoir faire et aisance, tuez-les tous ! allie fiction et réel. Une lecture qui rappelle que, bien souvent, les défenseurs acharnés brandissent leur foi pour masquer leur bêtise, ou comme un faux prétexte à une redoutable soif de pouvoir.