A
vant de devenir un homme de confiance de Napoléon Bonaparte et prendre en charge l'organisation de la police, Joseph Fouché (1759 – 1820) a été un professeur de sciences chez les Oratoriens (il en ressortira profondément athée), puis un révolutionnaire intransigeant : « L’expression de la liberté est celle du tonnerre ! ». En pleine Terreur, la lutte d’ego et de pouvoir qu’il engagea avec Robespierre est restée aussi légendaire que sanglante. À une époque où les décisions politiques marchaient de concert avec la lame de la guillotine, il aura réussi à survivre aux changements de régimes et imposer sa vision de l’état.
À personnage choc, récit sur la corde raide. Nicolas Juncker (Un jour sans Jésus, La vierge et la putain) et Patrick Mallet (La princesse des abysses, Achab) ont pris à bras le corps cette trajectoire tumultueuse dans Fouché. Biographie qui va à cent à l’heure, le scénario ne s’encombre pas de détails ou de mise en contexte et laisse au lecteur la tâche de combler les omissions tout en imposant de nombreux raccourcis. Certes, résumer la Révolution Française en cinquante-deux planches est une mission impossible, spécialement quand une bonne partie de l’action se déroule dans les coulisses des différents courants de la Convention. Par contre, à force de sauter sans avertissement d’une année à l’autre et de condenser des mois de négociations ou de campagne sur le terrain en quelques pages, la continuité devient difficile à tenir. De plus, les acteurs souffrent également beaucoup du manque de place. La psychologie du héros, tout particulièrement, reste malheureusement au niveau d’une ébauche aux contours à peine établis.
Pour autant, l’album possède une certaine contenance. D’un côté le rythme plus que soutenu rend bien compte des tensions de ces temps de révolte. De l’autre, le trait tout en subtilité de Mallet est parfaitement en place. Celui-ci se met agréablement en avant avec plusieurs doubles pages sobres et élégantes à la construction astucieuse. Le résultat est néanmoins plus contrasté pour ce qui est des portraits des différentes personnalités, sans démériter, le dessinateur se montre moins à son aise dans l'art de la caricature. Pour finir, les couleurs franches et pleines – ces flammes et ce rouge sang ! - de Laurence Croix jouent pleinement leur rôle dans la narration. Elles renforcent la furie et la colère des protagonistes, sans en estomper les doutes et les pleurs.
Première partie marquée par la violence, Le révolutionnaire propose une approche (trop) condensée, mais originale de l’existence d’une des figures importantes, quoiqu’un peu oubliée, de l’Histoire de France.
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