A
h, que la vieillesse est cruelle ! Alexandra ronchonne plus que jamais, coincée dans son fauteuil à cause de ses rhumatismes et ses maudites jambes. Mais cette fois, elle aperçoit clairement le crépuscule de sa vie tumultueuse. Comme d'habitude, Marie-Madeleine sa gouvernante sera là pour subir (de son plein gré) les sombres humeurs de la toute jeune centenaire. Mais rien de tel qu'une petite conférence à domicile avec des journalistes pour raviver la flamme de l'exploratrice insatiable. Car au fond d'elle-même, se trouve un puits de volonté intarissable.
Le récit se poursuit selon le même procédé que précédemment : alternance de souvenirs d'Alexandra et moments présents décrits par Marie-Madeleine. Sans chronologie particulière se dévoilent l'enfance, l'adolescence, le mariage peu conventionnel, les rencontres marquantes (le dalaï-lama, Victor Hugo) et bien sûr, le périple jusque Lhassa, l'obsession d'Alexandra. Les instants choisis attestent de l'intelligence précoce, de la curiosité immense et aussi de ce caractère bien trempé qui lui permettront de mener une existence hors-norme. Le scénariste Fred Campoy a fait le choix de s'attacher plus à la connaissance intime de l'héroïne qu'à celle de ses voyages ou à sa spiritualité profonde, plus à la femme qu'à l'aventurière bouddhiste. Les séquences contemporaines mettent également en valeur la patience et la dévotion de Marie-Madeleine, dévotion qui serait qualifiée de masochiste si la complexité des liens entre les deux femmes n'était pas si bien amenée ; tellement différentes, mais complémentaires et indispensables l'une pour l'autre. L'émotion grandit alors que défilent les pages car finalement, le lecteur s'est attaché à ces deux personnes admirables, chacune à leur manière.
Mathieu Blanchot livre des planches de qualité, démarquant le passé du présent par l'utilisation de la couleur ou du noir et blanc. Son trait semi-réaliste est très sympathique, incorporant de la légèreté dans les passages tendus. Il fourmille de détails pour le quotidien tout en laissant place à l'essentiel dans les grandes cases de paysages, la nature se suffit à elle-même. L'ambiance des époques diverses est bien retranscrite, du beau travail de recherche de la part de l'artiste.
Avec de la tendresse, de la justesse, de l'humour et un peu d'amertume, Une vie avec Alexandra David-Néel propose un voyage dans le temps et dans l'espace d'un personnage qui marquera à jamais le monde de l'exploration géographique et spirituelle. Madame Néel, namaste.
Ces deux tomes sont en fait l’adaptation du livre qu’écrivit la domestique d’Alexandra David-Néel après avoir passé auprès d’elle les 10 dernières années de sa vie.
Et c’est à mon avis un choix discutable dans la mesure où cette dame, Mme Peyronnet, devenue ici narratrice idolâtre, ne décrit la grande exploratrice qu’en termes laudateurs.
F. Campoy a choisi de scénariser exclusivement la confrontation de ces deux personnalités, l’une oppressive, l’autre soumise ; j’en ai ressenti une sorte de malaise car cette dévotion dans laquelle se complait Marie-Madeleine Peyronnet est difficile à concevoir, au regard surtout du despotisme de la vieille femme.
Le lecteur passe ainsi les 2/3 du livre enfermé dans la maison où elles se sont recluses alors qu’il y avait 50 ans d’exploration à décrire…
Par ailleurs l’auteur abuse des récitatifs écris à la 1ère personne (jusqu’à 13 par planche !) ; le point de vue de la narratrice est certes intéressant mais contient trop de digressions inutiles ou anecdotiques.
Le titre est donc trompeur car le peu que l’on apprend sur cette pionnière du féminisme et du bouddhisme à la vie hors du commun manque hélas du souffle des grands espaces.
Mais malgré ces réserves, cela reste une BD de qualité aux très beaux dessins.