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orsque Virginie confie ses peines de cœur à sa grand-mère, Rose, elle ne se doute pas de ce que la vieille dame va lui révéler. Sous son apparente bonhomie et derrière des décennies de mariage se cache un secret dont le souvenir est toujours douloureux. Replonger en Juin 1942 et tout raconter à sa petite fille va lui donner l'opportunité de soulager une peine toujours vive.
Virginie Mosser alias Navie est plus habituée aux rédactions ou aux caméras qu'au 9ème art. Blogueuse, écrivaine (j'aime pas être enceinte, Comment ne pas devenir un vieux con avec Sophie-Marie Larrouy), réalisatrice, chroniqueuse (Les maternelles sur France 5 ou sur madmoiZelle.com), la liste de ses activités est aussi diverse que longue. Avec Collaboration Horizontale, elle signe sa seconde bande dessinée (après Devenir papa pour les nuls) en évoquant ces femmes tondues, piètres victimes expiatoires de l'épuration post-libération. Comme Fabrice Virgili (avec France « virile »), Alain Resnais (dans Hiroshima mon amour) ou Elsa Marpeau (avec Et ils oublieront la colère) avant elle, l'autrice aborde l'amour et l'adultère en temps de guerre. Cela aurait pu s'avérer périlleux mais elle traite tout cela avec élégance et intelligence parvenant ainsi à éviter les clichés.
Elle axe son histoire sur Rose, alors âgée d'une vingtaine d'années, qui se retrouve seule avec Lucien, son fils, pendant que son mari est au front. Heureusement, son immeuble est plein d'autres femmes (et quelques hommes) avec qui partager le quotidien sous l'Occupation. Si les personnages sont essentiellement féminins - mobilisation oblige - les personnages masculins ne sont pas totalement oubliés. Et c'est par l'un d'eux, militaire allemand, que la vie de l'héroïne va basculer. Rose en tombe amoureuse au premier regard et va tenter de vivre sa passion à l'abri du regard des autres et de leurs jugements. Difficile car entre son amie enceinte, Judith, et son mari Léon un peu trop prévenant, la vieille acariâtre qui perd la boule, Madame Flament, Joséphine, la danseuse aux rêves de gloire, Andrée, la concierge, Camille son époux aveugle et Simone leur garçon manqué de fille, les voisins sont nombreux. La scénariste n'a en effet pas lésiné sur les personnages secondaires : fouillés, variés, ils rendent la trame consistante tout en mettant à jour une multitude de façons de vivre cette période. Avec malice et finesse, Navie place le lecteur au cœur de leur intimité, faisant ainsi de lui un témoin des destins qui se heurtent et des masques qui tombent. Avec beaucoup de retenue, elle réussit à composer une fresque où la résistance et la collaboration, l'amour et l'amitié, le féminisme et le patriarcat, l'entraide et l'indifférence s'entrecroisent et flirtent avec l'Histoire. Le résultat émeut, bouleverse ou révolte, jusqu'à refermer l'album, chamboulé.
Carole Maurel, déjà repérée en 2016 avec L'apocalypse selon Magda (scénario de Chloé Vollmer-Lo) et Luisa ici et là, est sa complice pour cette aventure. Son trait doux et léger est en parfaite adéquation avec la tonalité du récit. Ni démonstratif, ni en retrait, il souligne parfaitement chaque séquence et accompagne avec beaucoup de justesse le propos. De plus, sa mise en page et sa colorisation tout en maîtrise confirment les bonnes impressions que ses œuvres précédentes avaient laissées. Très à son aise pour peindre le quotidien, elle excelle également pour mettre en valeur l'atmosphère se dégageant de l'immeuble, tout comme les expressions de ses habitants. Audacieuse, la dessinatrice n'hésite pas à prendre des risques souvent payants - la mise en image du coup de foudre comme son choix pour représenter la rage des Français face aux collabos sont des réussites, mais ne sont pas les seules - qui offrent une vraie plus-value à la narration. Sa prestation confirme, sur bien des points, sa montée en puissance à chaque production et incite à suivre ses prochaines sorties.
Une grande histoire, racontée sans voyeurisme ni fausse pudeur, servie par un dessin d'une douceur et d'une habileté parfaites. Un titre qui prend aux tripes et rappelle que tomber amoureux peut faire mal, d'autant plus mal lorsque c'est en temps de guerre et de quelqu'un du camp d'en face.
J'ai franchement bien aimé cette histoire se passant dans le Paris de l'Occupation. Dans un contexte de guerre, je trouve que c'est bien de montrer que l'amour entre deux êtres n'a pas forcément de frontière.
Certes, les mauvaises langues pourront objecter qu'aimer un officier nazi peut parfois poser problème mais nous savons tous que tous les soldats allemands n'étaient pas forcément des membres de la Gestapo recherchant activement tous les juifs de France. Il y avait des nuances que les auteurs ont déployé en dépassant tous les clichés et en évitant le manichéisme. Cette idée m'a fortement séduite.
J'ai alors eu un regard plutôt attendrissant sur cette oeuvre au demeurant fort bien dessinée et avec une certaine grâce. Certaines femmes tondues devraient obtenir réparation morale car elles ont permit quelque fois d'éviter le pire à leur entourage grâce à la collaboration horizontale. Cependant, comme montrer dans la bd à travers une scène assez poignante, c'est vite oublié dans l'euphorie de la victoire. La gratitude n'est parfois pas une qualité chez les humains.
Des personnages secondaires attachants, un dessin et une mise en page très séduisants donnent un bon moments de lecture, d’autant que beaucoup de problèmes sont traités avec délicatesse.
En fait c’est l’histoire d’amour principale qui manque un peu de crédibilité. Mais tout le reste est réussi.
Cet album est une très belle découverte. L’ambiance et l’atmosphère qui règnent dans cet immeuble sont très bien retranscrits, grâce à des dessins magnifiques, un peu rétro, qui collent très bien avec cette période de guerre. Seul petit bémol : à la première lecture, il n’est pas forcément simple d’identifier chaque personnage « secondaire »... mais la 2eme lecture n’en est que plus savoureuse.
Cela fait un moment que je suis le travail de Carole Maurel qui avec "L'Apocalypse selon Magda" (avec Chloé Vollmer-Lo) et "Luisa,ici et là" avait attiré mon attention et m'avait agréablement surpris.
Son dessin est toujours aussi bon et l'atmosphère de l'occupation est parfaitement mis en relief.Même si le Paris occupé n'est rigoureusement pas décrit dans cet album, j'ai retrouvé un peu l'ambiance du "Dernier Métro" de François Truffaut.
En plus de l'histoire d'amour de Rose, c'est toute la vie d'une petite communauté d'un modeste immeuble que nous suivons, avec ses rancœurs,ses rivalités et ses non-dits. Toute une galerie de personnages, que l'on a pourtant du mal à bien cerner au début de l'album.
Il m'a fallu,en effet, repartir quelques pages en arrière à plusieurs reprises, pour voir les liens qui unissaient les principaux protagonistes, surtout les femmes (normal les hommes étant, guerre oblige, "occupé" ailleurs).
Un album très intéressant ,sans manichéisme, et qui, à travers les deux lettres de la fin, bouleverse quelque peu l'ordre des choses établies au début de l'histoire.
Un sujet pas évident à traiter bien qu'abordé des millions de fois sur des millions de supports.
Un scénario travaillé assorti de dialogues bien écrits et de personnages sensibles et vraiment attachants. Le dessin et les couleurs sont au service de la sensibilité véhiculée dans cet album.
J'ai été touché par les valeurs de cette histoire et par la fin qui montre les cruautés induites par la guerre et plus précisément par la Seconde Guerre Mondiale.
Une lecture qu'on ne peut que recommander tant cette histoire sonne vrai dans tous les sens du terme.
Une pure merveille de sensibilité. Il y avait bien longtemps que je n'avais pas lu un album qui m'avait autant touché.
Gros coup de cœur pour cet album que je recommande absolument.
Le sujet aurait pu être casse-gueule mais je trouve qu'il a été traité avec beaucoup de finesse et de justesse par ses auteurs, sans aucun parti prix manichéen.