C
omment agir lorsque l'on se découvre des capacités « spéciales » ? Courir acheter cape, collants et masque pour jouer au justicier ou bien se cacher et tenter de tirer profit de ces dons ? Lorsque l'on a été mis au ban de la société, incompris, pointé du doigt et étiqueté « malade », pourquoi ne pas mettre à profit sa télépathie, sa précognition, son empathie extrême, sa vitesse ou sa force extraordinaires pour vivre sans contraintes ?C'est exactement ce que La Voix et sa bande font, et ils espèrent bien que « Syd » va les rejoindre une fois qu'elle aura digéré tout cela.
Simon Gane est chargé de mettre en image le premier tome de cette trilogie. Visiblement à l'aise dans cet univers urbain, il étonne par une l'alternance entre cases totalement dénuées d'arrière-plans et vignettes aux décors détaillés mais ce parti-pris colle parfaitement aux situations. Le dessinateur montre toutefois moins de spontanéité sur les postures, souvent statiques, des personnages. Si l'effet n'est pas gênant lors des nombreuses scènes de dialogues - mentaux ou non -, il a tendance à faire ressortir un manque de dynamisme global qui nuit à l'immersion.
Ce n'est pas la première fois qu'Éric Stephenson se sert des super-pouvoirs comme prétexte pour aborder des thèmes plus larges. Le mal-être, l'acceptation de la différence, la manipulation mentale, l'effet de groupe autant de sujets qui se mêlent et font l'essence de ce premier tome. La narration, linéaire, semble moins alambiquée que Nowhere men et gagne ainsi en accessibilité. S'appuyant sur une large galerie de seconds rôles, il dresse le portrait d'une jeunesse désabusée par la nature humaine, qui se regroupe pour mieux vivre sa différence. Les douleurs infligées par ceux qui ne comprennent pas leurs maux forment alors le ciment de cette petite communauté. Parallèlement, il met à jour la facilité avec laquelle ces jeunes, derrière leur leader, trouvent une justification à leurs actes, sans aucune remise en question. Évidemment, un tel postulat serait une ode à l'impunité s'il n'y avait pas un grain de sable prêt à mettre à mal ce déchaînement de violence. Même si le procédé - l'arrivée d'un élément rebelle - apparaît quelque peu facile, il permet au scénariste de remettre en cause le fonctionnement de cette micro-société et de ces acteurs. Cela est d'autant plus simple que l'empathie pour ces membres est difficile vu le peu d'informations qu'il distille à leur sujet. Et, à mesure que l'héroïne découvre leurs agissements, entrevoit leurs failles et prend conscience de l'emprise dont ils sont victimes, le lecteur fait alors le constat d'un groupe (trop) facilement influençable. Même si le final, réussi, tend à en relancer la curiosité, l'intrigue pourrait pâtir de ce manque de crédibilité.
Intéressant dans son approche, They're not like us use de ficelles un peu trop voyantes pour remporter une pleine adhésion. L'approche graphique surprenante et une certaine verbosité ne doivent toutefois masquer les bonnes idées et les pistes que la suite de la série ne devra pas manquer pas d'explorer pour convaincre les plus réticents.
Même si ce n'est pas un must, cet album mérite ses 4 étoiles. C'est la 2ème bonne surprise de chez Jungle Comics après "Mystery Society".
L'histoire est bien ficelée et les personnages, assez travaillés. Le tout s'imbrique parfaitement. Le suspense est bien géré, jusqu'à la fin et on s'intéresse vraiment à suivre les aventure de Syd et des ses compagnons.
Pour les graphismes, c'est, pour moi, parfaitement réussi. Le style est original, assumé et évoque même le franco-belge.
Le côté indé de cet album est parfaitement maîtrisé. Du bon boulot.