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epuis les années 80, Mezzo dessine et publie, diffuse, ventile, répand ses illustrations sur tous les supports possibles et imaginables : couvertures de magazines, revues ou fanzines, posters, jaquettes de cd, pochettes de disques vinyles, ex-libris, cartes de vœux, portfolios, calendriers, jeux de cartes, étiquettes de camembert, vin, champagne ou bière, sacs, sous-bocks, … Sa production s’est disséminée de l’underground au « pignon sur rue », du confidentiel au grand public (Picsou Magazine), de l’intime au grand soleil.
Aujourd’hui, il considère cet éclatement et opère une collecte de sa propre œuvre, pour la rassembler dans un somptueux ouvrage, intitulé malicieusement Fuzz Book, le « fuzz » étant un procédé de distorsion du son d’une guitare électrique, pour lui donner, entre autres, plus de dureté. On est frappé de la cohérence de tous ces dessins, des individus représentés, des thèmes abordés, de l’expression d’un imaginaire foisonnant. Par-delà le style graphique à l’identité forte, reconnaissable entre mille, Mezzo a une manière bien à lui, par des créations « coups de poings », de faire surgir une constante ironie picturale, de prendre des chemins de traverse ou de détourner des icônes.
Distorsion et dureté. L’univers de Mezzo est violent. Qu’il investisse la science-fiction, le polar ou un large panel de pulsions humaines, son œuvre montre le plus souvent quelque chose de radical, de déterminant, des êtres poussés dans leurs retranchements, des destins dans une impasse, des passages à l’acte. Ce sont des armes fumantes, des coups reçus, des corps ligotés, des monstres difformes. Mezzo tord nos mythes, la bienséance et le politiquement correct.
Les références sont à chercher outre-Atlantique. Pas chez les super-héros, mais dans ces comics indépendants qui peignent la condition humaine avec un rire malsain, un trait écorché et une palette chromatique réduite. De ces influences et de son univers personnel, lorgnant largement vers la musique (blues, jazz, rock), Mezzo affiche un attachement pour la mort, la transgression, les marginaux. Le trait est sombre, le noir domine, la couleur accentuant paradoxalement l’absence de lumière.
Le dessinateur des Désarmés, du Roi des mouches et de Love in vain propose une somme foisonnante, bigarrée et protéiforme. Néanmoins, à chaque page, celle-ci rappelle de manière explosive que les gens, les choses et les sentiments ne sont pas toujours ce qu’ils semblent. Fuzz Book emmène sur un seuil où la normalité est prête à basculer.
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