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us n'a plus que cela en tête : rejoindre l'Alaska pour, enfin, comprendre d'où il vient. Accompagné du docteur Singh, il retrouve Shepperd afin de faire route au Nord en laissant derrière lui les filles, Bobby et Johnny, au barrage, avec Walter. Elles espèrent enfin y trouver la sérénité, un peu de calme et pouvoir vivre à l'écart du chaos qui règne partout. Mais Abbot n'a pas abdiqué, il est toujours sur les traces de l'enfant-cerf pour l'éliminer. Le temps est plus que jamais compté : qui atteindra son but le premier ?
Jeff Lemire a toujours annoncé avoir en tête la fin de sa série et cela se sent. Le mystère de l'épidémie ? Il pose les bases de sa résolution dès les trois premiers chapitres de cet ultime volume. D'abord perdu entre réalité et mythologie, le lecteur n'en saisit pas forcément toute la portée mais pressent que l'essentiel est dit, montré, explicité.
Ce parti-pris a cela d'astucieux qu'il recentre le propos ; il fallait bien s'en douter, le « pourquoi » a peu d'importance. La relation entre Gus et Shepperd, véritable fil rouge du récit, peut alors reprendre ses droits. Comment cet enfant innocent, naïf et isolé a grandi en côtoyant cette brute épaisse, incapable du moindre sentiment ? De quelle manière se sont-ils influencés et quelles vont être les évolutions de chacun ? Le volume deux, en montrant un Gus moins candide, prêt à se battre pour sauver sa vie et celles des autres, apportait des réponses, et celui-ci enfonce le clou.
L'hybride est devenu un homme, mais sans rien perdre de ses qualités, de son empathie et de sa bonté. En parallèle, si son mentor endosse toujours volontiers le rôle de bourreau pour protéger la petite bande, il ouvre à nouveau son cœur et s'adoucit au contact de « gueule sucrée ». Et, sur leur route, une galerie de personnages secondaires - détestables ou attachants voire les deux ! - a émergé. Ainsi, les destinées de ces protagonistes a également une importance ; les trois lignes narratives (Shepperd, Gus et Singh, le groupe du barrage et Abbot) progressent, chacune avec une tonalité différente (quête de vérité, survie et destruction) pour finalement se rejoindre là où tout a commencé : l'Alaska. Ce mélange des genres et des émotions rend la lecture prenante et au fil des quatorze (!) épisodes, le talent de conteur du scénariste fait monter la tension autant que l'envie de connaître la suite.
Par delà la violence, omniprésente, les thèmes chers à l'auteur transpirent : le rapport à la religion, la figure paternelle, la transmission entre les générations mais aussi, le passage de l'enfance au monde des adultes ou encore l'orientation prise par l'Humanité et sa conduite envers la nature et les autres êtres vivants. Il y a un peu de tout cela dans Sweet Tooth. L'artiste canadien parvient à captiver et transmettre des émotions simples et fortes, jusqu'à la dernière planche. « C'est une histoire » de fin et de commencement, d'amour et de haine, de passé et de présent, de mort et de vie, de fatalité et d'espoir, d'amitié et de trahison, de présent et de futur. C'est surtout une belle histoire qu'il est difficile de terminer sans une pointe de nostalgie mêlée à un plaisir intense.
Graphiquement, comme sur ses autres titres, l'artiste est en recherche permanente et trouve souvent. Un cadrage, un changement de technique, deux planches en miroir, un passage au format à l'italienne. Il se sert du medium comme d'un outil pour faire participer le lecteur et l'immerger un peu plus dans l'expérience. Que l'on apprécie ou pas son style, force est de reconnaître qu'il est indissociable de sa narration et qu'il participe à l'impact de son œuvre. Enfin, pour les aficionados, il est à noter que l'édition proposée par Urban Comics est augmentée d'une interview riche en explications, qui éclairera sur le processus créatif et la volonté de l'auteur.
Plus de 900 planches pour une fresque dans un décor d’apocalypse, à la conclusion grandiose, Sweet Tooth marque et ne déçoit pas. Un indispensable dans la bibliographie de Jeff Lemire.
Ce que j'en pense:
Après les volumes 1 et 2 je me suis lancée dans la lecture du volume 3 qui clôture toute la série. Pour le coup, on retrouve Gus qui est en quête de ses origines. Jepperd reste à ses côtés pour le protéger.
Ce volume 3 est une vraie tuerie! Les rebondissements sont spectaculaires et maintiennent le suspens jusqu'au bout. C'est parfaitement construit et la fin est magistrale. Je ne veux pas trop vous en dire car je risquerai de vous gâcher la surprise.
Gus quant à lui prend en maturité et en courage. Son personnage prend de l'épaisseur et surtout il s'affirme clairement. Dans ce volume, on découvre ses origines. Tout devient clair et le mystère se dissipe pour éclairer l'ensemble de la série.
Le personnage de Jepperd quant à lui, se montre plus sensible. Il montre de nouvelles facettes de lui même et il se révèle réellement.
L'esthétique reste dans la lignée des comics précédents. C'est toujours aussi violent. On retrouve toutes les caractéristiques du genre avec des traits durs et des couleurs saturées. Je ne suis donc pas déçue par ce tome 3.
Bref:
Cette trilogie finit en apothéose.
Pour plus d'avis: http://aufildesplumesblog.wordpress.com
Avis pour les tomes 2 et 3: Excellent! Si les dessins de Lemire peuvent surprendre il faut passer outre car cette oeuvre est magistrale. A posséder absolument.10/10