L
orsque que la maisonnée se réunit autour de la table pour dire les bénédicités, Robby Fun est heureux. Son père Robert, dessinateur de comic strip, a du succès, sa mère, Martha, s'épanouit dans son rôle de femme au foyer auprès des quatre enfants et l'entente avec Molly, Mickey et J.T est parfaite. Tout va donc pour le mieux jusqu'au jour où sa grand-mère paternelle les quitte. Pour Robert, le patriarche, ce drame, difficile à surmonter, marque le début d'une lente et inexorable descente aux enfers qui affecte également toute la famille Fun.
Les lecteurs qui se fieront à l'apparente bonhomie graphique - gros nez et têtes rondes sont au menu - et aux couleurs gaies et flashy en seront pour leurs frais, La famille Fun n'a rien d'un titre tendre. Jouant à plein sur le contraste entre son dessin jovial et son propos acerbe, Benjamin Frisch ratisse large pour sa première œuvre, trop peut-être. Thérapeute familial tendance « coach personnel », rupture, poids des responsabilités que l'on fait porter aux enfants, évangélisation etc... Autant de thèmes abordés sous un angle satirique en grossissant le trait (au propre comme au figuré) pour brosser une charge cinglante contre une famille américaine « modèle » et ses travers. L’élément déclencheur - l'annonce du décès de mamie - ouvre la porte à une escalade improbable d'évènements tous plus loufoques les uns que les autres et donne le coup d'envoi d'une dislocation en règle.
Du père de famille et sa chute dans une grave dépression à sa femme qui s'émancipe du mariage pour tomber sous la coupe d'un thérapeute puis d'un télévangéliste, avant de se retrouver au cœur de leur rivalité, en passant par l'originale « passion » paternelle, il est clair que l'auteur a la dent dure contre certaines dérives et possède un sens aiguisé de la mise en scène. Et les enfants dans tout ça ? En plus de la culpabilité de l'aîné, ils sont confrontés à tous les tourments imaginables censés les aider à grandir : les deux plus âgés doivent gérer leur dépressif de père, son budget, son boulot, la maison tandis que les deux plus jeunes assistent impuissants à la transformation de leur maman. Ajoutez la dose de mysticisme qui va bien et vous obtenez une peinture au vitriol de ce que la société peut occasionner de pire niveau destruction familiale ! Toutefois, l'humour essentiellement parodique, distillé tout au long des deux cent trente et une planches peut paraître indigeste. Entre pamphlet et caricature, le propos hésite et l'accumulation des épreuves subies par Robby et les siens lui fait manquer quelque peu sa cible.
Peut-être trop appuyée pour pleinement convaincre, cette diatribe contre les gourous de tous poils et leurs pédagogies qui pullulent outre-Atlantique n'en reste pas moins marquante. Benjamin Frisch s'offre une entrée remarquée dans le 9ème Art qui, à défaut de faire rire à chaque fois, fera souvent grincer des dents.
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